Cour des comptes : Pierre Moscovici dévoile son plan de réforme des juridictions financières
La semaine dernière, Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, n'aura pas tardé à vouloir marquer sa récente arrivée à la tête de l'institution, en présentant à la presse la teneur du plan de réforme qu'il avait annoncé il y a quelques mois, souhaitant développer un nouveau projet stratégique de la Cour et des chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) pour les cinq prochaines années. On pourra prendre connaissance des orientations qu'il entend mettre en œuvre en consultant: https://www.ccomptes.fr/system/files/2021-02/20210204-synthese-rapport-JF2025_0.pdf
Pour Pierre Moscovici, au-delà des missions habituelles des juridictions financières, la crise sanitaire et ses conséquences les placent face aux défis de la soutenabilité de la dette, de la qualité de la dépense publique et de la confiance des Français.
Dans le prolongement des réflexions menées dans les ateliers de travail mis en place ces derniers mois et des consultations effectuées, le projet vise donc à répondre à ces défis sur trois axes :
- des travaux plus diversifiés, plus rapides et plus accessibles, au service des citoyens ;
- des métiers confortés et modernisés ;
- un fonctionnement plus agile et une gouvernance plus intégrée.
... et une douzaine d'orientations. Un vaste chantier qu'il sera intéressant de suivre dans une maison qui s'est souvent montrée « frileuse » aux changements.
En l'état, que faut-il en retenir ?
Sur la base des orientations définies, une certain nombre d'exemples ou propositions sont ainsi déjà précisées :
- expérimenter le contrôle d’initiative citoyenne, qui consistera dans un premier temps en un droit de requête des citoyens vis-à-vis de la Cour des comptes ;
- établir une procédure rapide d’« audit éclair » pour expertiser le coût d’un dispositif ou d’une mesure, sans recommandation et dans un format court d’une dizaine de pages ;
- prévoir que 100 % des productions de la Cour soient progressivement rendues publiques, contre 60 % aujourd’hui (sauf exceptions tenant à certains secrets protégés par la loi) ;
- fixer un délai de huit mois maximum pour achever une enquête sur un organisme, contre quinze mois (Cour) ou dix-sept mois (CRTC) aujourd’hui, grâce à des procédures internes simplifiées et une organisation plus agile ;
- créer une banque des recommandations au sein du service du rapport public et des programmes (SRPP), au service des rapporteurs et des chambres ;
- établir un régime de responsabilité unifié des gestionnaires publics et un régime de sanction adaptée [NDLR : sensiblement différent des propositions du « fameux rapport Basseres » évoqué dans ces colonnes] ;
- renforcer l’appui-métier en créant un pôle de « régularité et probité » pour accompagner les équipes de contrôle afin de développer cet axe au sein de nos plans de contrôle et tirer parti des progrès de l’intelligence artificielle ;
- consacrer 20 % des ressources des juridictions financières à l’évaluation des politiques publiques, contre moins de 5 % aujourd’hui ;
- intégrer des travaux réalisés en coopération avec la Cour des comptes européenne et avec d’autres institutions supérieures de contrôle partenaires dans la programmation pluriannuelle de la Cour ;
- ouvrir les compétences des CRTC aux nouvelles priorités des juridictions financières : étendre les compétences des chambres régionales et territoriales des comptes à la réalisation de synthèses, d’enquêtes thématiques locales et ouvrir la faculté aux exécutifs régionaux d'annuellement solliciter la réalisation d’une évaluation de politique publique d’intérêt régional ;
- définir une programmation des contrôles plus resserrée, coordonnée avec les CRTC et intégrant le calendrier des grandes réformes à venir (en lien avec le secrétariat général du gouvernement, l’Assemblée nationale et le Sénat) ;
- centrer les travaux du comité du rapport public et des programmes sur la qualité de la programmation, son élaboration, son exécution et modifier sa composition en l’ouvrant à des présidents de CRTC.
Le calendrier de mise en œuvre
Si certaines propositions peuvent rapidement être mises en œuvre, dès 2021, voire en 2022 (évolution des pratiques et orientations et des normes professionnelles ou réglementaires), beaucoup d'entre elles appellent des modifications du cadre législatif avec tout que cela implique en termes de débats à tous niveaux donc de délais...