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Conférence Nationale du Handicap 2023 : le président n’engage pas le changement de paradigme qu’APF France handicap appelle de ses vœux
Lors de la Conférence Nationale du Handicap qui s’est tenue le 26 avril, le président de la République a posé un diagnostic plus réaliste sur la situation des personnes handicapées en France. De bonnes intentions ont été exprimées mais les quelques 70 mesures présentées ne constituent pas une véritable refondation de la politique française du handicap.
Premier sujet qui suscite une déception notable : la prestation de compensation du handicap. Sur le sujet de l’accessibilité, alors que l’association l’a fortement interpellé à la veille de la CNH, exigeant notamment que des sanctions soient enfin prises, le président botte en touche. Après avoir égrené différentes mesures d’une feuille de route qui ambitionne d’accélérer les différents « chantiers » de sa politique du handicap, le président propose une méthode de pilotage plus cadrée. APF France handicap prend acte et maintiendra la pression dans le cadre des points trimestriels annoncés.
Un diagnostic plus réaliste qui n’aboutit malheureusement pas à une politique globale à la hauteur des enjeux
Dans la suite des rapports de l’ONU et de la décision du Conseil de l’Europe épinglant la France pour violation des droits des personnes en situation de handicap, le gouvernement pose un diagnostic plus réaliste que lors de la dernière CNH. On s’éloigne en effet du satisfecit généralisé de 2020. Chacun dans leur domaine, les ministres ont reconnu le retard pris, l’absence de solution ou l’insuffisance des moyens mis en œuvre pour rendre effectifs les droits des 12 millions de personnes en situations de handicap et des 8 millions d’aidants. Chacun a renvoyé sur les annonces qui allaient être faites en fin de conférence par le président de la République.
Force est de constater que ce ne fut pas le grand soir. Loin du changement de paradigme qu’APF France handicap appelle de ses vœux, il a été question d’accélération, de changement de méthode, et de quelques gros chiffres censés traduire à eux seuls une ambition réaffirmée.
Prestation de compensation du handicap : une amère déception
Parmi les mesures annoncées, celles qui concernent la Compensation (PCH) constituent probablement la plus grande déception pour APF France handicap. Il n’y a eu en effet aucun engagement sur la PCH activités ménagères et la « mesurette » proposée autour du repas est loin de répondre aux attentes fortes des personnes. Pas de mesures relatives à la revalorisation des tarifs et montants de la PCH (aides techniques, logement, transports etc.) qui n’ont pas été revus depuis 2006 ! Rien non plus concernant la révision du Décret relatif à la PCH Parentalité etc. Il semble, encore une fois, que les échanges entre l’Association des Départements de France (ADF) et l’Etat soient à l’origine de cette absence d’engagements. La déception est très vive parmi les bénéficiaires actuels et à venir de la PCH. Comment peut-on parler d’auto-détermination et de citoyenneté des personnes en situation de handicap et ignorer les Droits à Compensation qui sont les garants de l’autonomie de vie des personnes ?
Par ailleurs, l’annonce par le président de la République de la prise en charge à 100% des fauteuils roulants retient toute l’attention de l’association. C’est bien l’objectif qu’elle a fixé, notamment dans le cadre des travaux en cours depuis près de deux ans. Les réformes en cours, dont APF France handicap attend toujours les conclusions, appellent à la plus grande vigilance. En effet, l’association demande que l’utilisateur puisse bénéficier du fauteuil roulant adapté à sa situation et dans le respect de son libre choix. Aucune mesure budgétaire ou réglementaire ne doit venir contraindre ce choix. Par ailleurs, le parc de fauteuils roulants disponible en France doit être le plus large et le plus exhaustif possible, sans restrictions réglementaires limitant le panel. L’offre de fauteuils roulants doit être disponible des plus usuels aux plus innovants.
Accessibilité : vers une remise en mouvement ?
APF France handicap, qui a lancé la veille de la CNH une campagne d’interpellation sur ce sujet, #AuPiedDuMur, exigeait notamment que des sanctions soient enfin prises à l’encontre des établissements qui ne respectent pas les engagements de la loi du 11 février 2005. Sur ce point, 18 ans après la loi de 2005, après les agendas d’accessibilité programmée dont l’échéance est fixée à septembre 2024, l’association déplore que le président rechigne à engager dès maintenant une politique de sanctions et souligne que pour être effective celle-ci nécessitera des moyens humains suffisants.
L’association acte toutefois que pour la première fois le gouvernement s’engage sur un financement dédié à l’accessibilité. Cependant, les 1,5 milliards d'Euros annoncés, s’ils représentent une somme conséquente, sont à relativiser au regard de l’ampleur des besoins notamment pour les ERP de 5ème catégorie et pour les gares. Par ailleurs, cette enveloppe sera ventilée sur 5 ans et sans aucune garantie car soumise au vote des PLF 2024, 2025, ...
Un nouveau catalogue de mesures dont la concrétisation devra être suivie de près
Sur les autres champs de la politique du handicap, l’Elysée présente 70 mesures, dont certaines avaient été engagées lors du premier quinquennat, avec à nouveau des interrogations sur les modalités de mises en œuvre : calendriers et financements restant à préciser.
Des mesures qui vont dans le bon sens, à concrétiser
Emploi :
- L’accélération du calendrier concernant la transformation du statut des travailleurs d’ESAT pour les rapprocher de celui des salariés : nouveaux droits sociaux (droit de grève, assurance chômage …) comme les salariés.
- La logique de promotion du milieu ordinaire de travail et de droit commun doit prévaloir pour tous les travailleurs en situation de handicap, y compris ceux qui étaient traditionnellement orientés vers le milieu protégé
- La simplification de la reconnaissance administrative de la qualité de travailleur handicapé : automaticité de la RQTH pour le compte accidents du travail et maladies professionnelles (AT/MP) et de la pension d’invalidité sans passage par les MDPH
Éducation :
- Une première réponse qui soit de la responsabilité de l’Education Nationale concernant l’accessibilité pédagogique et le matériel pédagogique adapté.
- La mise en place d’un grand plan de formation et d’enseignants référents handicap ressources pour leurs collègues.
- La transformation des pôles inclusifs d’accompagnement localisés (PIAL) en pôles d’appui avec un enseignant spécialisé
- Le déploiement des équipes mobiles d’appui à la scolarisation (EMAS)
- Le déploiement de 100 projets pilotes d’instituts médico-éducatifs (IME) dans les écoles d’ici 2027
Vie intime affective et sexuelle
- L’ensemble des dispositifs dédiés à la prise en charge des femmes victimes de violences dans les établissements de santé seront rendus accessibles, y compris pour le dépôt de plainte
- La confirmation de la sécurisation financière des centres de ressources vie intime, affective et sexuelle (Intimagir)
- La charte des droits et libertés sera complétée et la formation des professionnels sera révisée en harmonie avec les préconisations proposées par l’association.
Transformation de l’offre de service
- Le rattrapage en faveur des personnes aux besoins complexes, selon les besoins identifiés localement (polyhandicap, troubles du spectre de l'autisme, personnes handicapées vieillissantes, enfants en situation de handicap confiés à l'aide sociale à l'enfance, adultes présents dans des structures médico-sociales pour enfants relevant de l'amendement "CRETON")
- 50 000 « solutions » supplémentaires et logique de plateformes de services
- La rénovation du cadre juridique des établissements pour mieux garantir les droits des personnes (droit au retour et droit aux absences) et simplification (allègement visites de conformité, procédure d'appel à projets, révision des conditions minimales de fonctionnement).
* Des mesures déjà proposées et parfois non appliquées
Emploi :
- La révision de liste des emplois exigeant des conditions d'aptitude particulières (ECAP),
- La modification des règles de cumul AAH et les revenus d’activité en cas de reprise d’activité,
- La publication du décret sur l’accessibilité des locaux de travail
Santé :
- Le déploiement d'une politique d'aller vers sur les territoires pour lutter contre l'absence de médecins
- Le déploiement des référents handicap au sein des établissements de santé et aux urgences
- La formation des professionnels paramédicaux
- Le renforcement des dispositifs dédiés (consultations dédiées, dispositif « handibloc »)
Vie intime affective et sexuelle
- La généralisation du dispositif « Handigynéco »
- Le module de formation à destination des aidants et des personnes en situation de handicap sur les violences sexistes et sexuelles et la notion de consentement
* Des mesures qui restent à financer
* Transformation de l’offre de service
- 500M€ de la CNSA prévus pour développer les petites unités de vie et habitat inclusif. Qu’en est-il des aides financières à la transformation en plateformes ou dispositifs ?