Arrêt maladie : le silence assourdissant de l'Ordre des médecins
La nouvelle lubie de l'Assurance maladie, cornaquée par Bercy et le gouvernement, de contrôler les arrêts maladie prescrits par les médecins, au prétexte qu'ils seraient en hausse significative depuis 10 ans (pourquoi s’en apercevoir en plein été ?) a entraînée de très nombreuses réactions scandalisées des praticiens eux-mêmes et de leurs organisations syndicales.
On attend toujours celle de l'Ordre des médecins, qui pourtant a pour fonction première, de défendre les praticiens face à toute pression pouvant venir aliéner leur indépendance, quelle qu'en soit la nature, au titre de l'article 5 du code de déontologie médicale dont l'Ordre devrait être le gardien sourcilleux.
Ce silence est la marque d’une complicité coupable, de cette institution avec nos dirigeants ; elle est plus préoccupée d'assurer à ses membres des situations de confort, plutôt que de rappeler en toute circonstance que les médecins exercent leur mission dans l'intérêt des patients et de la santé publique (Art 2 du code de déontologie). Ce même ordre qui n'a rien fait de conséquent pour éviter les déserts médicaux, alors qu’il était parfaitement informé sur cette évolution inexorable- si aucune mesure n’était prise à temps- de la démographie médicale ; déserts médicaux qui sont la source des difficultés majeurs rencontrées par les patients, en zone rurale comme en zone urbaine. Elles remettent en cause le principe essentiel de l’égalité d'accès aux soins pour tous
La liberté de prescription des médecins affirmée dans l’article 8 du code (comme le secret médical et l'interdiction de toute discrimination dans la pratique des soins) est l'un des principes cardinaux de l'exercice professionnel ; sa remise en cause est une attaque sans précédent, que beaucoup de médecins vivent comme une humiliation sociale, une suspicion généralisée et, dans le même temps, la macronie nous habitue à ce que des ministres ou des élus, mis en examen pour des faits d'une gravité parfois majeur, puissent poursuivre leur activité, au prétexte de la présomption d'innocence !
Les arrêts maladie ne sont pas des prescriptions de confort, sauf dans l'imagination perverse de fonctionnaires zélés de Bercy, qui devraient plutôt se préoccuper du nombre de suicides liés au Burn -out ou aux situations harcelantes que de très nombreux salariés continuent de vivre, alors que la dégradation de leur état de santé n'est toujours pas reconnue en maladie professionnelle.
C’est ce que l’ordre aurait dû rappeler avec force et détermination ; mais il y a bien longtemps que nous avons perdu toute illusion sur cet organisme pour lequel il est urgent de mettre en œuvre la proposition 85 du candidat François Mitterrand, en janvier 1981, : l'ordre des médecins sera supprimé.
- Michel Debout. Professeur émérite de médecine légale et droit de la santé.
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