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15 / 09 / 2015
Nathalie Moreau / Membre
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Les soins optiques : une filière française à consolider ?

En dépit des performances du système de santé français, celui-ci est loin d’être dénué de fragilité. Les soins de la vue, particulièrement concernés par certains dysfonctionnements lourds de répercussions, témoignent de la nécessité d’optimiser certains parcours de soins.

Les soins de la vue sont l’objet d’une attention récurrente dans le débat français sur la santé. Ces derniers mois n’ont d’ailleurs pas fait exception. Le gouvernement a en effet pris en main le dossier du coût de l’optique et entrepris d’influencer le marché en modifiant la législation. Cette initiative constitue le dernier effort en date des pouvoirs publics pour rationaliser un marché du secteur de la santé qui souffre de dysfonctionnements importants au regard de la demande exprimée par les patients. La filière de l’optique prise au sens large est donc actuellement en pleine évolution. Il y a fort à parier que les changements ne s’arrêteront pas à ce texte de loi et le parcours de soins d’optique accuse bien d’autres faiblesses. 

L’inflation du prix des soins

Dans plusieurs rapports, les soins optiques ont récemment été dénoncés comme particulièrement dispendieux en France. En réalité, les comparaisons internationales tendent à prouver que la France est loin d’être le pays où les lunettes sont les plus chères. Mais pour les usagers français, il n’en demeure pas moins qu’une paire de lunettes revient très cher. Le gouvernement espère lutter contre cette exclusion tarifaire en plafonnant le remboursement des lunettes par les assurances complémentaires. Mais le secteur reste plus que sceptique sur l’efficacité de telles mesures. « La France va casser une filière industrielle de pointe qui emploie 10 500 personnes en France sur 77 sites », alerte Paul du Saillant, directeur général adjoint d'Essilor. En mars 2014, un premier projet de décret a néanmoins été présenté, en vue de limiter le remboursement des verres simples et des montures. Après quelques négociations, la limite de remboursement a été placée à 450 euros pour des lunettes équipées de verres simples. Avec un tel tarif, le magazine Pleine Vie a calculé une marge nette des opticiens inférieure à 6 %, compte tenu des charges qui pèsent sur la profession.

S’il est résolument nécessaire pour la pérennité du système de santé français de prendre des mesures pour éviter l’inflation du coût des soins de la vue, il n’est toutefois pas certain que ces mesures de plafonnement soient bien accueillies par le public. « Près de deux millions de Français renoncent aux soins d'optique ou les diffèrent pour des raisons financières, selon la Mutualité française », citée par Challenges, « Actuellement, les complémentaires prennent en charge ces frais, peu remboursés par la Sécurité sociale, à hauteur de 68 %. Les ménages participent pour 26 % ». Devant cet état de fait, la perspective d’une baisse des niveaux de remboursement ne peut que susciter la méfiance de l’opinion.

La question du remboursement est hautement sensible. Elle constitue un problème économique majeur que le gouvernement souhaite rectifier. Mais c’est aussi une source d’anxiété pour les patients qui constatent bien que les remboursements de la Sécurité sociale rapetissent, en dépit des barèmes qui annoncent jusqu’à 70 % de remboursement pour la consultation d’un ophtalmologiste prescrit par le médecin traitant désigné, hors dépassement d’honoraires. En plus de défendre l’intérêt d’un plafonnement des remboursements sur le plan technique, il semble également très probable qu’il faille aussi travailler à l’acceptabilité de la mesure auprès du public. « Une baisse des remboursements qui ne garantit pas en même temps la baisse des cotisations des complémentaires de santé est une réforme en trompe-l'œil, qui conduira à l'augmentation des frais de santé », dénonce Alain Gerbel, président de la FNOF. Didier Papaz, PDG d’Optic 2000, ne croit pas pour sa part « que les mutuelles vont baisser leurs cotisations car elles doivent faire face au déremboursement de plus en plus de médicaments ». Mais pour le consommateur, les barèmes de remboursements ne sont pas les seules difficultés. La disponibilité des acteurs de l’optique est une autre problématique majeure dans ce parcours de soins.

La question de l’accès aux soins


L’accès aux soins constitue sans aucun doute la deuxième faiblesse fondamentale de la filière des soins optiques en France. Ce n’est pas tant du côté des opticiens que le bât blesse. Le marché français est désormais en effet très bien pourvu en la matière. C’est plutôt du côté du nombre de médecins que le parcours de soins dysfonctionne. Sur FranceTVInfo.fr, un interne en médecine décrit son parcours du combattant pour obtenir une paire de lunettes. « Allez trouver un ophtalmo qui consulte à 8h00 et après 22h00 », explique ce jeune travailleur hospitalier abonné aux journées continues. « C’est donc après des mois d’attente, comme tout bon concitoyen, que j’ai eu mon rendez-vous chez l’ophtalmo ! Après négociation dans mon service pour pouvoir partir exceptionnellement à 18h00, bien sûr… ». Du fait de la rareté des médecins spécialistes de la vue, l’attente pour une consultation est particulièrement longue et cela rend le parcours de soin de l’optique particulièrement fastidieux. Des solutions existent pourtant, qu’il s’agisse de la télémédecine ou de la délégation de compétences vers les opticiens. Certains groupes d’optique ont d’ailleurs commencé à se préparer à cette dernière éventualité, jugée la plus réaliste à court terme. « Le moteur c'est la compétence. En 2013, Nous avons inscrit une obligation de formations que 2 500 opticiens ont suivies. Cette délégation ne peut intervenir qu'en travaillant territoire par territoire dans des déserts médicaux, de manière encadrée par un protocole très strict », explique Yves Guénin, directeur général d'Optic 2000.

À bien des égards, la filière de l’optique française accuse des faiblesses et des dysfonctionnements. En légiférant sur le plafonnement de remboursement des soins de l’optique, l'État s’est attaqué à ces problèmes. Mais il en faudra plus pour améliorer les conditions d’accès aux soins des usagers car ils ne se satisferont certainement pas de la seule annonce d’un plafonnement des remboursements du tiers payant ! La filière de l’optique en France est encore en chantier et nécessite des aménagements évidents. Reste à savoir si le gouvernement organisera ces changements dans le souci du patient.
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