Participatif
ACCÈS PUBLIC
07 / 07 / 2011 | 176 vues
Eric Yahia / Membre
Articles : 5
Inscrit(e) le 30 / 01 / 2010

Les curiosités du CE de SAP

Fin 2009, SAP a mené une « réorganisation juridique » en France. En effet, SAP comptait plusieurs sociétés filiales sur le territoire national. La première, SAP France, rassemblait 600 salariés environ, la seconde, Business Objects (BO) achetée en 2008, 1 000 salariés environ et la troisième, SAP Labs France, 200 salariés.

SAP veut transférer, début 2010, tous les contrats commerciaux et tous les salariés de SAP France vers BO. La réorganisation opérationnelle est achevée depuis plusieurs mois déjà et les salariés SAP ou BO travaillent dans les mêmes équipes, sur les mêmes sites et sous la même hiérarchie.

Le comité d'entreprise de SAP France, aidé de deux conseillers, l'un juridique, l'autre comptable, comprend l'enjeu socio-économique et le risque de régression sociale d'un tel projet : les avantages sociaux de SAP sont bien meilleurs que ceux de BO. Pourquoi transférer dans ce sens et pas l'inverse ? C'est SAP qui a racheté BO en 2008.

"SAP historique" et "BO historique" dans deux CE distincts

Pendant plusieurs mois la direction « dialogue » avec le comité d’entreprise. Celui-ci finit par se fâcher. Le 24 novembre 2009 (cf page 3 du PV CE SAP 24/11/09), le CE SAP somme la direction de communiquer « les raisons réelles, chiffrées et argumentées » du projet. La direction SAP le prend très mal et culpabilise le CE SAP. En effet, s’il ne rend pas un avis rapidement, le projet ne pourra pas se réaliser en janvier 2010. Mais la direction change vite de ton. Juste après son indignation affichée, elle propose aux élus du CE de conserver leurs mandats dans un comité d'établissement qui regroupera les salariés « SAP historique » transférés chez BO, les salariés de BO formant un autre établissement dit « BO historique». Dès cette annonce, les élus du CE changent radicalement de position vis-à-vis du transfert (cf page 6 du PV CE SAP 24/11/09).

  • Le 30 novembre 2009 suivant, au cours d'une nouvelle réunion extraordinaire, le CE SAP rend un avis favorable au transfert (cf. page 8 PV CE SAP 30/11/09). La « réorganisation juridique » aura bien eu lieu en janvier 2010. Le CE SAP justifie son avis par les « engagements » pris par la direction SAP et concernant ce transfert : aucune conséquence sur l'emploi, pas de réduction des avantages des collaborateurs, de nouvelles négociations pour une harmonisation de la RTT dès janvier 2010, une protection santé sur la base du régime SAP (cf page 5 du PV CE SAP du 30/11/09).
  • Quelques semaines plus tard, en mars 2010, les membres du CE SAP « historique » recevront une prime exceptionnelle, dont l'étrangeté a déjà été décrite dans deux articles de Miroir Social datés du 10 juin 2010 et relatifs à SAP.

Quand le vin est tiré

Mais les curiosités ne s’arrêtent pas là. D'autres événements troublants se succèdent jusqu'à aujourd'hui.

En janvier 2010, SAP France change de nom et devient SAP France Holding. Business Objects change également de nom et devient SAP France 2010. Si l'on observe le périmètre de ces deux sociétés, qui forment désormais une UES, on constate que l'effectif moyen s'élevait à 1 663 salariés en 2008, 1 588 en 2009 et 1 478 en 2010. En 2010, l'effectif moyen a diminué de 110 personnes.

Trois syndicats ont contesté l'existence de l'établissement « SAP historique » et de son CE ainsi perpétué sur l'UES SAP France-SAP France Holding. Ils ont saisi l'inspection du travail qui a montré sa désapprobation dans un courrier du 15 mars 2010 :

  • « une institution (CE) ne pouvant s'auto-maintenir ou se prolonger elle même ».

Qu'à cela ne tienne, la direction fait vivre les deux CE « historiques » et fige ainsi la séparation des salariés. Cette séparation a cependant été désavouée par la Direction Régionale du Travail de Paris, qui pour les élections professionnelle de novembre 2010 n'autorisera qu'un seul établissement au sens du comité d'entreprise.

Harmonisation des frais de santé

Les deux CE « historiques » ont tout de même vécu, près de 10 mois. La période a été mise à profit pour « harmoniser » la protection sociale et le régime des frais de santé en particulier.

Le 11 juin 2010, les syndicats, dont les élus sont majoritaires dans les deux CE « SAP historique » et « BO historique », signeront un nouvel accord complémentaire santé sur l'UES. Comparons cet accord avec celui de SAP France 2007 : que constate-t-on ? Les barèmes de remboursement semblent plus avantageux dans le nouvel accord. Mais les nouvelles cotisations mensuelles s'élèvent à 3,41 % PMSS réparties entre salariés 26 % et employeur 74 %. Dans l'accord SAP 2007, elles s'élevaient à 4,51 % réparties entre salariés 20 % et employeur 80 %. Le financement global des remboursements a baissé, mais la part des salariés a augmenté.

Aux taux du PMSS 2011, SAP économise 388 € de cotisation par salarié et par an au regard de l'accord signé chez SAP en 2007. En fait, l'accord complémentaire santé 2010 s'aligne principalement sur le régime connu chez BO en 2009. Il reprend d'ailleurs l'assureur et le gestionnaire présents à cette époque. SAP économisera 388 € x 1 500, soit près de 600 000 euros de cotisations santé cette année.

On notera curieusement que le nouvel accord santé 2010 sur l'UES n'est signé que par deux syndicats, dont le Bétorpub-CFDT. Or, ce dernier a une couverture géographique limitée à l'Île-de-France. Il n'a pas, selon ses statuts, compétence pour signer un accord national.

18 mois après


En juin 2011, 18 mois après le transfert des 600 salariés de SAP vers la société Business Objects (rebaptisée SAP France), l'UES a de nouveaux élus pour 4 ans et les syndicats signataires de l'accord régressif sont devenus majoritaires.

  • Mais l'emploi est à la baisse et il n'y a toujours pas d'harmonisation sur les RTT. Les anciens salariés « SAP historiques » ont 14 jours de RTT en moyenne, contre 9 jours pour les salariés « BO historiques » et les nouveaux embauchés depuis 2010.


Pendant ce temps-là, les nouveaux élus du CE gèrent près de 2 millions d'euros de budgets d'activités sociales, soit plus de 1 100 euros par salarié. En février, la direction ne les a pas ménagés en leur laissant à peine quelques jours pour donner un avis et signer un nouvel accord d'épargne salariale. Pour ce nouvel accord d'entreprise les syndicats représentatifs majoritaires n'ont même pas été conviés à négocier.

Les élus du CE SAP ont convenu d'organiser un repas estival et sympathique à 100 € par personne (sur le budget de fonctionnement). L’objectif est  louable, il s’agit de rencontrer les autres représentants du personnel pour mieux les connaître... On a beau faire remarquer que si l'idée est bonne, le budget semble tout de même excessif, voire abusif. Peine perdue, on se heurte à une fin de non recevoir des élus qui légitiment l’abus en s'imposant comme majoritaires. Quant aux « invités », ils sont nombreux à approuver l’initiative !

Alors que penser des événements sociaux relatés précédemment ? Quid de l'adéquation avec les missions économiques du CE ?

Pas encore de commentaires