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Les conseillers ministériels anticipent déjà la défaite présidentielle en cherchant ailleurs
Il y a peu, Éric Aubry, ancien inspecteur général des affaires sociales rejoignait le Conseil d’État, nommé conseiller au tour extérieur, et quittait Matignon où il avait exercé la rude tâche de conseiller social en interrelation avec 5 Ministres du Travail consécutifs en près de 4 ans. Pierre Hanotaux, directeur adjoint du cabinet de Frédéric Mitterand, vient d’être nommé numéro deux de l’audiovisuel extérieur de la France. Cette nomination, qui a été acceptée par la commission de déontologie, a généré moins de contestations que celle de François Perol, ancien secrétaire général adjoint de l’Élysée nommé il y a plus de deux ans à la tête du groupe BPCE, issu de la fusion des Caisses d’Épargne et des Banques populaires.
Tremplin
D’autres nominations en pleine crise ont posé peu de questions déontologiques, comme celle de Stéphane Richard, ancien directeur du cabinet de Christine Lagarde, nommé en novembre 2008 après la grave crise sociale à la tête de France Télécom, ou encore celle de Frédéric Oueda, ancien membre du cabinet de Nicolas Sarkozy en 1993 alors Ministre du Budget, en remplacement de Daniel Bouton, président de la Société Générale, alors déstabilisé par l’affaire Kerviel. Il est vrai que Frédéric Oueda avait entre temps occupé un poste de directeur financier de cette banque avant que le pouvoir ne l’aide à en prendre la direction.
Tous ces conseillers ont profité à plein de la proximité avec le pouvoir pour accélérer leur carrière, pour obtenir des postes prestigieux soit dans la haute fonction publique, soit dans les entreprises que l’État peut encore influer. Étape nécessaire dans le cursus honorum, le passage en cabinet, si possible jeune entre 30 et 40 ans, accroît le capital relationnel et donne accès plus rapidement a des emplois de directeur dans l’administration centrale ou de cadres dirigeants dans le secteur public nationalisé ou dans le secteur privé
- Traditionnellement, le cabinet ministériel est un organisme restreint formé de collaborateurs personnels choisis par le Ministre lui-même. Cependant, rien ne se fait sans l’aval de Bercy. D’ailleurs, les postes de directeur de cabinet ou de chef de cabinet sont de plus en souvent imposés au Ministre par le Ministère des Finances, qui cherche à avoir un contrôle transversal en nommant ses hommes et ses femmes.
Il n’y parvient pas toujours : les ministres les plus chevronnés ou les plus rétifs au contrôle savent garder l’homogénéité de leur équipe, dont le travail acharné et l’harmonie sont les sources de sa réussite. Les relations sont policées, néanmoins, des tensions peuvent survenir. Chacun garde en mémoire les péripéties de la Garde des Sceaux Rachida Dati avec son propre cabinet. Cette dernière a obtenu la palme d’or avec 17 mobilités en 18 mois.
Le cabinet a pour mission de conseiller le Ministre, de l’assister dans la réalisation de l’ensemble de ses missions. Cette équipe dévouée et proche du Ministre sur le plan politique s’explique par le fait que ce dernier ne peut pas choisir les membres de son administration En effet, la France ne pratique pas le système des dépouilles permettant de renvoyer un nombre important de fonctionnaires et de les remplacer par d’autres lors des échéances électorales.
Si le cabinet n’est pas un organisme permanent, il occupe néanmoins une place stratégique dans les rouages du pouvoir en raison de l’augmentation de la complexité dans la prise de décision, le cabinet a pris une importance grandissante dans le fonctionnement politique et administratif du gouvernement. Le cabinet a une fonction essentielle et ses membres qui y travaillent, il est vrai énormément, accèdent à des informations critiques.
Cette emprise des conseillers a parfois mené à une certaine exagération, si ce n’est à une exaspération. Ce phénomène de ras le bol, illustré par les prises de position publiques de certains conseillers qui n’avaient pas reçu l’onction élective, a débouché sur des engagements de la part du Premier Ministre François Fillon. Il s’agissait alors de limiter le nombre de conseillers à 20 au maximum pour les ministres en plein exercice, à douze pour les ministres rattachés et enfin à six pour les secrétaires d’État. Lors de cette annonce en 2010, François Fillon voulait démontrer l’exigence de rigueur à tous les niveaux de l’État. Il y avait à cette époque environ 550 conseillers dans les différents ministères au total. Un an et demi après, à quelques mois de la fin du quinquennat, où en sommes-nous ?
Anticiper les conséquences de l'élection présidentielle
Il semblerait qu’au moins 800 membres de cabinets ministériels, ou appartenant à des organismes proches du pouvoir et de l’UMP, seraient en recherche active d’une mobilité professionnelle avant la prochaine élection présidentielle.
Cette vague impressionnante résulterait d’une perception négative des prochaines échéances politiques par les intéressés. Ces derniers redoutent de se retrouver sur le sable ou de devoir retourner vers leur ancienne affectation sans avoir profité du tremplin que constitue le passage dans un cabinet ministériel, à l’image des premiers cités.
La plupart ne croit manifestement plus à une issue favorable pour le pouvoir en place.
Discutant dernièrement avec un haut responsable d’une centrale syndicale, ce dernier m’avouait : « Si l'on en doutait encore, cette débandade des conseillers est rassurante car elle est révélatrice de leur peu de confiance en l’avenir de ce régime ».
Matignon conduit actuellement une réflexion pour mettre en place un dispositif ordonné, afin d’assurer un minimum d’efficience pour recaser tous ces fidèles. Les partenaires sociaux ont été approchés au CESE pour envisager une association ad hoc. Trouver un autre point de chute n’est pas aisé pour les candidats car ils doivent toujours assumer les activités courantes. Et les places sont rares et prises d’assaut. Il faut dire qu’il y a environ 1 000 énarques sur les 5 000 formés, depuis la création de l’ENA après guerre, qui ont colonisé la vie professionnelle et qui conservent leur place.