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02 / 05 / 2014 | 41 vues
Vincent Jacquemond / Membre
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Le travail isolé : l’enfer sans les autres ?

Isolement dans le travail, de quoi parle-t-on ?

Le travail isolé peut être abordé sous différents aspects. Depuis longtemps, les risques d’accidents liés à l’isolement physique sont connus. Sous cet angle, le travail est considéré comme isolé lorsque le salarié :

- est seul,

- ne peut être vu ou entendu facilement,

- ou ne peut être secouru dans des délais courts en cas d’accident.

Les enquêtes nationales[1] sur les conditions de travail notent que 7 % des salariés sont en situation de travail isolé. Cependant, la problématique de l’isolement apparaît aussi sous l’angle des risques psychosociaux, lorsque les salariés ressentent un sentiment de solitude qui peut nuire à leur santé psychique[2]. L’isolement génère, pour certaines situations de travail ou opérations, des risques professionnels par l’impossibilité d’avoir accès à un soutien technique, organisationnel ou humain, en cas de nécessité. Des réflexions sur l’organisation du travail ont été menées dans différentes professions telles que les plongeurs, les métiers de travaux en forêt ou encore sur les pistes de ski afin de limiter le risque lié au travail isolé. Cette prise de conscience de la prévention des risques liée aux situations de travail isolé mérite d’être élargie à d’autres secteurs d’activité et postes de travail.

Les conséquences sur les conditions de travail

Le travail isolé est un facteur aggravant les conséquences d’accident du travail mais qui favorise également des comportements du salarié contribuant à la survenue de l’accident lui-même (prises d’initiatives inappropriées, mauvaises utilisations d’outils communs etc.). L’isolement complique la mise en œuvre de pratiques sécuritaires. Les mesures de prévention relèvent, entre autres :
- d’une gestion équilibrée de la charge de travail ;
- d’une définition des conditions de maintien de la sécurité ;
- et d’une organisation en binôme ou à plusieurs permettant la mise en place d’une double vigilance. L'un des enjeux organisationnels est de maintenir la possibilité d’échanges sur le travail et la manière de le faire.

L’isolement découle de modes d’organisation[3] qui amènent brutalement ou progressivement le salarié à ne plus pouvoir bénéficier de l’assistance, du soutien nécessaire qu’ils soient techniques ou organisationnels et d’interactions humaines efficientes, même si des collègues sont physiquement présents. On peut alors parler de fragilisation de la relation au travail[4] et d’isolement relationnel. Il supprime les possibilités d’assistance directe qui pouvaient s’exprimer de manière naturelle, par l’entraide, la transmission de savoir-faire de prudence etc… Cette perte doit pouvoir être compensée par la mise en place d’une assistance formelle et opérationnelle.

Les obligations de l’employeur

Organiser les secours auprès de salariés accidentés ou malades constitue une obligation de l’employeur et nécessite, pour l’entreprise, de se doter des moyens pour :
  • détecter la situation de difficulté ;

  • localiser le salarié en difficulté ;

  • de traiter la situation.

Mais « alerter n’est pas protéger » et « secourir n’est pas prévenir ». Neuf principes généraux de prévention dont les trois premiers sont, dans l’ordre de priorité, les suivants :

  • éviter les risques,

  • évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités,

  • combattre les risques à la source. 

Il s’agit donc de réfléchir, en premier lieu, à des solutions organisationnelles supprimant, limitant ou organisant différemment les opérations pour lesquelles les situations de travail isolé affectent négativement la santé et la sécurité au travail. Dans ce dernier cas, rappelons que la tenue du document unique d’évaluation des risques (DUER) et sa mise à jour sont aussi une obligation de l’employeur. Or, le travail isolé est rarement présent en tant que tel dans le DUER.

Au CHSCT : re-questionner les situations de travail isolé

Prenons un exemple dans une entreprise de services en maintenance industrielle projetant une nouvelle organisation des tournées des techniciens. Le projet prévoit, entre autres, de limiter le travail en binôme favorisant les interventions seul. En parallèle, il prévoit de mettre en place un dispositif d’alarme pour travailleur isolé (DATI). Ceci constitue une avancée importante lorsque les techniciens interviennent seuls dans des lieux différents de manière isolée.

Cependant, la suppression du travail en binôme ne tient pas compte :

  • des configurations d’installation chez les clients pour lesquelles il est nécessaire d’être deux pour intervenir ;
  • de l’organisation informelle des équipes qui générait du soutien et de l’entraide ;
  • du besoin d’un soutien hiérarchique efficace avec une grande compétence technique afin de résoudre les problèmes à distance.

Dans ce cas, on a d’abord voulu répondre à l’obligation de secours sans analyser la situation de travail réel et sans questionner l’organisation.

Le CHSCT doit pouvoir traiter chaque situation de travail isolé dans sa globalité, en remontant aux sources des contraintes organisationnelles et ainsi mettre en place des solutions de prévention efficaces.

 


1] Source : INRS, ED985 Travail Isolé – prévention des risques, synthèse et application.
[2] Dossier Travail & Sécurité n° 741.
[3] « Dynamique cognitive et RPS : isolement et sentiment d’isolement au travail », Marc et coll, 2011.
[4] « Suicide au travail : que faire ? », Dejours et Bègues, 2009.
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