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Le CCE extraordinaire de la Banque de France saisit le Groupe national d’alerte en santé au travail
Suite aux résultats de l’enquête RPS de fin 2017 présentée lors de la réunion de l’IC CHSCT du 28 mars 2018 et du CCE du 5 avril, les élus au CCE ont considéré que la sécurité et la protection de la santé physique et mentale de nos collègues n’est plus assurée. Exposés à des risques psychosociaux de façon permanente, la Banque de France n’agit pas pour en réduire les causes.
Nous recevons quotidiennement nombre de témoignages et chacun d’entre nous peut mesurer le mal-être qui s’installe et enfle au sein de chaque service de notre entreprise. Ainsi, lors du CCE du 18 juin 2018, nous avons interpelé le gouverneur sur ce point, mandatant le secrétaire à procéder au signalement des risques sur la santé encourus par nos collègues.
Toujours aussi peu attaché à un dialogue social de qualité, le gouverneur avait sèchement refusé que nous procédions au vote de cette délibération, prétextant que ce point n’était pas à l’ordre du jour.
Nous avons donc exigé la tenue de ce CCE extraordinaire des 6 et 7 décembre afin de pouvoir la voter, procédure légale qui ne pouvait être refusée par le gouvernement de la banque.
Teneur de la délibération
Dans le contexte d’une institution en fort changement structurel, organisationnel et géographique, force est de constater que la dégradation des conditions de travail pour nos collègues se traduit par une évolution de la charge mentale et physique pesant de manière avérée sur la santé physique et mentale des agents et salariés de la banque.
Avec l'objectif de rapidement mettre en œuvre des mesures de limitation des RPS et d’amélioration des conditions de travail des salariés de la banque, les élus du CCD relèvent les constats suivants...
Extrait de certains rapports des médecins du travail :
« … les réorganisations et les nombreux départs en retraite de salariés expérimentés créent de l’inquiétude. La stratégie de l’entreprise consistant à redistribuer et réorganiser les activités dans un objectif de gain de productivité à moyen terme se traduit souvent par une augmentation à court terme de la charge de travail dans des équipes à effectif contraint et ne laisse pas la disponibilité nécessaire aux salariés pour l’acquisition de nouvelles compétences ou le transfert de celles-ci dans de bonnes conditions vers les jeunes qui arrivent.
L’entreprise doit être vigilante face à des situations pouvant affecter la santé physique et mentale de personnes qui, pour préserver leur santé, se voient contraintes de « prendre de la distance » au prix parfois d’une démotivation et d’une souffrance liée au sentiment d’un travail imparfaitement réalisé ».
Dans le rapport annuel d’activité de la personne ressource « prévention des RPS » :
« La souffrance psychologique, le stress et le burn-out sont présents dans 32 cas (sur 101, soit 35 %) en 2016. En 2017, les situations conflictuelles ont explosé, avec des conséquences sur la santé physique et mentale des agents ».
Une instance de coordination des CHSCT (ICCHSCT) a été mise en place, conformément à l’article L4616-1 du Code du travail. Lors de la séance de cette instance le 28 mars 2018, la direction a présenté les résultats de l’enquête sur les risques psychosociaux réalisée fin 2017.
Le PV de cette IC relève notamment :
« Ces résultats révèlent une nouvelle dégradation de la santé mentale du personnel. La comparaison des enquêtes 2013 et 2015 faisait déjà apparaître une augmentation de la quasi-totalité des 19 facteurs de risque identifiés. Pour 2017, les facteurs de risques majeurs sont passés de 2 à 6 au niveau national et à 7 dans le réseau. Le conflit de valeur est notamment un facteur en forte dégradation. La dégradation des résultats est observable pour la totalité des établissements de la Banque de France, des catégories y compris l’encadrement et classes d’âge du personnel, bien que des plans d’actions pour la prévention des risques psychosociaux aient été élaborés par les présidents de CHSCT suite aux résultats des enquêtes 2013 et 2015. Pour exemple, l’état de santé est négativement affecté par les changements récent à la Banque de France pour 60 % du personnel, 37 % du personnel est en situation de stress, pour certains établissements la prise de médicaments ou d’alcool est un recours plus fréquent face à ce stress.
Les résultats bruts soulignent à eux seuls que la situation du personnel est préoccupante mais la trajectoire des facteurs de risques entre 2013 et 2017 alerte encore davantage les élus sur une gestion de l’entreprise à l’origine de la dégradation de la santé du personnel […].
Les résultats de l’enquête RPS 2017 confirment l’existence d’un risque grave pour la santé du personnel de la Banque de France ».
Les élus ont par ailleurs été informés des résultats de l’enquête RPS lors de la séance du CCE du 5 avril 2018 et ont constaté que l’employeur n’agissait pas concrètement sur les éléments suivants qui constituent pourtant, au sens de la jurisprudence, des risques psychosociaux majeurs :
- intensité au travail et temps de travail, contraintes de rythme, objectifs irréalistes ou flous, instructions contradictoires ou horaires de travail ;
- exigences émotionnelles : relations avec le public et contact avec la souffrance ;
- manque d’autonomie déclaré par les salariés ;
- mauvaise qualité des rapports sociaux : dégradation avérée des relations entre collègues de travail et supérieurs hiérarchiques mais aussi relations à l’entreprise et conflits de valeurs ;
- insécurité de la situation de travail : peur de perdre son emploi, de devoir changer de qualification ou de métier et peur des restructurations.
Ils ont par ailleurs insisté pour que la DGRH leur présente sans tarder des plans d’actions concrets plutôt que des rapports périodiques sur la charge mentale, la charge de travail et la santé des salariés.
Face à ces constats, les élus du CCE ont tenu à rappeler que, selon l’article L 4121-1 du Code du travail, « L’employeur prend des mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes ».
Par conséquent, après délibération, les élus du CCE, mandatent le secrétaire du CCE pour saisir le Groupe national d’alerte en santé au travail via l’Agence régionale de santé d’Île-de-France afin de signaler une exposition permanente, qui met potentiellement en danger la santé de l’ensemble des salariés de la Banque de France.
Les élus enjoignent l’administration de rapidement émettre des préconisations contraignantes envers la Banque de France en matière :
- d’actions de prévention des risques professionnels,
- de mise en place d’une organisation et de moyens adaptés à un retour rapide à une situation normale de santé au travail,
- et d’actions d’information et de formation.
Cette délibération a été adoptée avec 16 voix sur 20 (la CFE-CGC ne souhaitant pas prendre part au vote).
Suite à la lecture de cette déclaration, le gouverneur a estimé que le CCE aurait pu attendre les résultats de l’expertise demandée par l’ICCHSCT sur ce sujet. Pour lui, cette saisine est donc prématurée… Chacun appréciera.
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