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08 / 12 / 2014 | 10 vues
Xavier Berjot / Membre
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La surveillance du salarié : les régimes applicables

Un récent arrêt de la Cour de cassation (Cass. soc., 5 novembre 2014, n° 13-18427) rappelle opportunément la distinction à opérer entre les modes de surveillance du salarié : surveillance interne et surveillance externe, à distinguer de la vidéosurveillance.

La surveillance interne. Dans l’arrêt du 5 novembre 2014, la Cour de cassation a admis la licéité d’un contrôle organisé par l’employeur pour observer les équipes de contrôle dans un service public de transport dans leur travail au quotidien sur les amplitudes et horaires de travail.

« Le contrôle de l’activité d’un salarié, au temps et au lieu de travail, par un service interne à l’entreprise chargé de cette mission ne constitue pas, en soi, même en l’absence d’information préalable du salarié, un mode de preuve illicite », comme la Cour de cassation l’a énoncé de manière particulièrement claire.

Les motifs retenus par la Cour sont de deux ordres :

  • cette surveillance était limitée au temps de travail ;
  • elle n’avait impliqué aucune atteinte à la vie privée des salariés observés.

Il s’agissait, en l’espèce, d’un contrôleur de bus, licencié notamment pour plusieurs abandons de poste, constatés par des cadres ayant reçu pour mission de vérifier les conditions de travail des équipes de contrôle.

Le salarié, qui n’avait pas été préalablement informé de cette surveillance interne, estimait qu’elle devait être assimilée à une filature portant nécessairement atteinte à sa vie privée. Son pourvoi a été rejeté pour les motifs mentionnés ci-dessus.

Dans plusieurs décisions antérieures, la Cour de cassation avait déjà considéré que la simple surveillance d'un salarié faite sur les lieux du travail par son supérieur hiérarchique, même en l'absence d'information préalable de l’intéressé, ne constitue pas en soi un mode de preuve illicite (Cass. soc., 26 avril 2006, n° 04-43582 ; Cass. soc., 4 juillet 2012 n° 11-14241).


Cette jurisprudence constante autorise donc l’employeur à faire surveiller les salariés par un supérieur hiérarchique ou une équipe de surveillance interne dédiée à cette tâche. La surveillance dont il est question peut s’exercer dans les locaux de travail ou en dehors, si le travail du salarié est accompli à l’extérieur : chauffeur de bus, distributeur de prospectus publicitaire…

De la même manière, est admissible l’audit ponctuel visant à analyser l'organisation du travail en vue de faire des propositions d'amélioration du service sous forme de recommandations, même en l’absence de consultation préalable du comité d’entreprise (Cass. soc., 12 juillet 2010, n° 09-66339).

La limite à la surveillance interne tient à la loyauté inhérente au contrat de travail, qui doit exclure les modes de preuves ayant pour objet ou pour effet de piéger le salarié.

La surveillance externe est réalisée par un tiers mandaté par l’employeur : détective privé, société prestataire. Selon une formule classique de la Cour de cassation, si l'employeur a le droit de contrôler et de surveiller l'activité de son personnel durant le temps de travail, il ne peut mettre en œuvre un dispositif de contrôle qui n'a pas été porté préalablement à la connaissance des salariés (Cass. soc., 15 mai 2001, n° 99-42219).

En l’espèce, une société avait recouru aux services d’un vigile ayant pour mission de surveiller un distributeur de boissons et de nourriture. Les salariés n’avaient pas été avertis de ce mode de contrôle, qui a donc être déclaré illicite.

La solution de la Cour de cassation a été réaffirmée dans un arrêt postérieur concernant le rapport de détectives privés (Cass. soc., 23 novembre 2005, n° 03-41401). Il est donc essentiel d’informer les salariés qui font l’objet de la surveillance externe.

Si cette dernière revêt une certaine ampleur, l’information / consultation du comité d’entreprise s’impose également, comme celle du CHSCT dès lors que la surveillance peut être source de stress.
 
Enfin, rappelons qu’aucune de ces formalités ne s’applique aux locaux qui ne sont pas affectés au travail, l’employeur étant libre d’y mettre en place un dispositif de surveillance.
 
Ainsi, est justifiée la mise à pied disciplinaire de six jours du salarié ayant, sans autorisation, escaladé la rambarde de sécurité d'un escalier et circulé sans protection sur le toit de l'usine, les faits ayant été constatés par une société de gardiennage (Cass. soc., 19 janvier 2010, n° 08-45092).

La vidéosurveillance dans les lieux de travail ouverts au public (restaurant, supermarché...) est régi par la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité.

L’article 10 de ce texte prévoit plusieurs cas de recours à la vidéosurveillance, notamment pour assurer la sécurité des personnes et des biens lorsque ces lieux sont particulièrement exposés à des risques d’agression ou de vol ou sont susceptibles d’être exposés à des actes de terrorisme.

L’installation d’un tel système est subordonnée à une autorisation du préfet et, à Paris, du préfet de police, donnée après avis d’une commission départementale présidée par un magistrat du siège ou un magistrat honoraire.

Le bénéfice de cette autorisation est réservé aux dispositifs de vidéosurveillance qui ne sont pas utilisés dans des traitements automatisés selon des critères permettant d’identifier, directement ou indirectement, des personnes physiques. En effet, de tels dispositifs sont soumis à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, supposant une déclaration auprès de la CNIL.

Par ailleurs, l’autorisation implique que le public soit informé de manière claire et permanente de l’existence du système de vidéosurveillance et de l’autorité ou de la personne responsable. En plus de l’autorisation préfectorale susvisée, l’employeur doit, d’une part, informer et consulter les représentants du personnel et, d’autre part informer individuellement les salariés.

L’information / consultation du comité d’entreprise est requise sur le fondement de deux articles spécifiques.

  • Article L. 2323-13 du Code du travail

« Le comité d’entreprise est informé et consulté, préalablement à tout projet important d’introduction de nouvelles technologies, lorsque celles-ci sont susceptibles d’avoir des conséquences sur l’emploi, la qualification, la rémunération, la formation ou les conditions de travail. »

  • Article L. 2323-32, alinéa 3 du Code du travail

« Le comité d’entreprise est informé et consulté, préalablement à la décision de mise en œuvre dans l’entreprise, sur les moyens ou les techniques permettant un contrôle de l’activité des salariés. »

Par ailleurs, le CHSCT doit être informé et consulté sur le recours à la vidéosurveillance, en application de l’article L. 4612-8 du Code du travail.

La Cour d’appel de Paris (CA Paris, 5 décembre 2007, n° 07-11402) a retenu cette solution concernant l’enregistrement automatique des communications des salariés.
Enfin, chaque salarié doit être individuellement informé, conformément à l’article L. 1222-4 du Code du travail selon lequel « aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance ».

Vidéosurveillance dans les lieux de travail non ouverts au public. Le recours à la vidéosurveillance doit respecter, en ce cas, le principe énoncé à l’article L. 1121-1 du Code du travail selon lequel nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.

La mise en œuvre d’un système de vidéosurveillance doit nécessairement respecter ce principe de proportionnalité, ce qui signifie qu’elle doit s’effectuer de façon adéquate, pertinente, non excessive et strictement nécessaire à l’objectif poursuivi.

Comme l’indique la CNIL (guide CNIL pour les employeurs et les salariés, édition 2010), « si le déploiement de tels dispositifs sur un lieu de travail répond généralement à un objectif sécuritaire (contrôle des accès aux locaux, surveillance de zones de travail à risques), il ne peut ainsi avoir pour seul objectif la mise sous surveillance spécifique d’un employé déterminé ou d’un groupe particulier d’employés ».

Ainsi, la vidéosurveillance ne peut avoir pour seul but de contrôler l’activité professionnelle des salariés. Le dispositif de vidéosurveillance ne peut être installé que s’il a préalablement fait l’objet d’une déclaration normale auprès de la CNIL, sauf désignation d’un correspondant informatique et libertés.

Un dispositif qui n’aurait pas fait l’objet d’une déclaration à la CNIL ne serait pas opposable aux salariés.
Par ailleurs, les représentants du personnel (CE et CHSCT) doivent être informés et consultés préalablement et les salariés doivent être individuellement informés, dans les conditions susvisées (cf § 3.1).
 
Dans un arrêt du 10 janvier 2012 (Cass. soc., 10 janvier 2012 n° 10-23.482), la Cour de cassation a jugé que si l’employeur a le droit de contrôler l’activité de ses salariés pendant le temps de travail, il ne peut être autorisé à utiliser comme mode de preuve les enregistrements d’un dispositif de vidéosurveillance installé sur le site d’une société cliente, si les salariés n’ont pas été préalablement informés de l’existence de ce dispositif.


Par conséquent, l’information des salariés concerne tant la vidéosurveillance dans les locaux de l’entreprise que dans ceux des entreprises clientes.

Vidéosurveillance dans les lieux non accessibles aux salariés. L’installation d’un dispositif de vidéosurveillance destiné à assurer la protection de pièces ou locaux non accessibles aux salariés n’est soumise à aucune condition particulière.

À titre d’exemple, l’employeur est libre de mettre en place des procédés de surveillance des entrepôts ou autres locaux de rangement dans lesquels les salariés ne travaillent pas (Cass. soc., 31 janvier 2001, n° 98-44.290).

Si un salarié accède malgré tout à un tel local, l’employeur peut se prévaloir des éléments recueillis au moyen de ce système de vidéosurveillance pour établir la preuve des faits reprochés à l’intéressé, comme un vol ou une dégradation de matériel (Cass. soc., 19 avril 2005, n° 02-46.295). Par conséquent, dans cette hypothèse, l’employeur n’a ni à informer/consulter les représentants du personnel ni à informer les salariés.

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