Organisations
La poste confie son avenir aux responsables de son passé
Article publié par un collectif de Postiers sur l'Observatoire du stress
Au plus fort de sa crise sociale, Orange a connu deux changements : celui de son équipe dirigeante et le lancement d'une enquête indépendante et publique, confiée à un expert agréé CHSCT (le cabinet Technologia), cogérée avec les syndicats
Rien de tout cela à La Poste : face à la multiplication d'actes désespérés de cadres et d'agents qui n'en peuvent plus (9 suicides et 8 tentatives depuis janvier), les dirigeants de La Poste refusent toute expertise indépendante sur les conséquences de leur management.
Explications
Pour répondre à la grave crise sociale dont le personnel de La Poste fait actuellement les frais, le président de La Poste a nommé une commission dite « du grand dialogue », censée lui faire des propositions pour septembre.
Pourtant, comme l'écrit L'Express, « À La Poste, le (grand) dialogue passe mal ».
On voit en effet , dans les réunions de la commission, des dirigeants de l'entreprise prendre les syndicats à partie et trouver « inadmissible » (sic) que ceux-ci parlent sans détour de la souffrance des postiers.
On y voit ces mêmes dirigeants parler de l'exemplarité de leur management et justifier l'excellence de leurs réorganisations : c'est à se demander pourquoi les agents et les cadres de La Poste tentent de mettre fin à leurs jours et à quoi sert cette commission.
Une commission dont deux tiers des membres sont nommés par le PDG de La Poste et dont le président (Jean Kaspar), comme Jean-Paul Bailly, est issu d'un club (Fondapol) impliqué dans l'organisation actuelle de l'entreprise.
Une commission qui audite le personnel à travers le filtre de son management...
La commission « Kaspar 2012 » va-t-elle fonctionner comme la commission « Ailleret 2008 », qui n'a servi qu'à entériner sans négociations les objectifs des dirigeants de l'époque ?
En 2008, le gouvernement avait nommé une commission dite « Ailleret », dont Jean-Paul Bailly, déjà PDG de l’entreprise, avait fixé l'objectif : transformer la poste en société anonyme.
Le gouvernement voulait aussi privatiser La Poste, mais la grave crise financière et économique arrivant fin 2008 a retardé ce projet. L'État et la CDC sont restés seuls actionnaires.
La Poste a cependant soumis ses agents à une productivité à marche forcée pour « nettoyer son bilan » et donner des gages à ses deux actionnaires : en deux ans, 20 000 emplois ont été supprimés en fermant les robinets du recrutement, sans plan social. Ce rouleau compresseur a conduit les postiers en surcharge de travail et a ignoré la qualité du service rendu (car la qualité a un coût) jusqu'à générer 50 % de réclamations supplémentaires des clients.
Jean-Paul Bailly relance donc une nouvelle commission sur l'avenir de La Poste.
On y débat de la « responsabilité sociale de l'entreprise » ou de « la formation des managers au management » et autres mesures peu conflictuelles. On n'y voit pas débattre des doléances du personnel sur la pénibilité du travail, sur les réorganisations, sur le sur-emploi des agents et les suppressions de poste ou sur les « points noirs » du management.
On aurait pu penser que « le grand dialogue » était l'occasion de faire « les états généraux de La Poste » et de donner la parole aux agents. Pour le moment, ce sont les dirigeants qui y ont la parole et les syndicats sont priés de proposer respectueusement des mesures acceptables par leurs dirigeants.
Mais la situation 2012 n'est plus celle de 2008 : Jean Kaspar annonce déjà remettre ses conclusions ; avant la mise en place d'un véritable audit sur la situation de l'entreprise ?
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