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11 / 07 / 2008 | 3 vues
Claire Avignon / Membre
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La certification en santé au travail: «une idée simple et pratique»

Pourquoi un rapport sur la formation des managers et des ingénieurs à la santé et sécurité au travail (SST)? Quelle est l'origine de ce rapport?


L’origine de ce rapport remonte à la première conférence sur les conditions de travail qui a eu lieu le 4 octobre 2007. Tous les acteurs présents (les partenaires sociaux, les organismes de prévention et les pouvoirs publics) se sont alors accordés sur la nécessité de mieux former les ingénieurs et les managers aux conditions de travail. L’idée était d’élaborer un référentiel de formation c’est-à-dire une base de compétences minimales qui permettrait d’intégrer les conditions de travail dans les programmes des grandes écoles et des universités. Nous avons donc confié, avec la ministre chargé de l'enseignement supérieur Valérie Pécresse, une mission au professeur William Dab pour l’élaboration d’un référentiel commun de formation sur la santé et la sécurité au travail. Ce référentiel est susceptible de concerner 5 millions de personnes en France, qui sont ou seront diplômées d’écoles d’ingénieurs, de commerce ou d’universités et qui exercent ou exerceront des responsabilités d’encadrement.

Le constat est en effet unanime: aujourd’hui, les cadres supérieurs, malgré de grandes compétences en management ou en ingénierie, ne sont pas assez formés ou tout simplement sensibilisés aux questions de santé et de sécurité au travail. Ce n’est pas parce que l’on a des responsabilités, que l’on manage une équipe ou que l’on conçoit des machines et des environnements de travail que l’on connaît forcement ces questions: à quels risques sont exposées mes équipes? Comment manager sans créer du sur-stress? Comment aménager un bâtiment où il fait bon travailler? J’ai entendu récemment l’exemple d’ingénieurs et d’ergonomes qui, dans la conception d’un open-space de travail, n’avaient pas prévu de fenêtres. Si ces personnes avaient été formées aux conditions de travail, de telles situations ne se seraient jamais produites! On ne naît pas bon manager, ni bon encadrant, on le devient, grâce à une formation adaptée. Il est donc urgent d’agir sur la formation autant professionnelle que continue.

Quelles sont les propositions du rapport qui vous semblent les plus intéressantes et qui vont devoir être mises en œuvre rapidement?


Parmi les 12 propositions du rapport Dab, je retiens évidemment la mise en place du référentiel unique de compétence qui est l’idée majeure de ce rapport, mais aussi la mise en place d’un réseau de formation en santé au travail. La reconnaissance de la santé et de la sécurité au travail comme discipline académique à part entière me semble être également une idée intéressante. Enfin, je pense au rôle que pourraient jouer les comités régionaux de prévention des risques professionnels (CRPRP) dans la mise à jour d’annuaires gratuits et accessibles pour les entreprises et dans la diffusion du référentiel.

Le professeur Dab a réalisé une mission de qualité qui a réussi à mobiliser un nombre important d’acteurs du monde professionnel, du monde de l’enseignement et de la formation.


Les propositions du rapport vont permettre d’avancer rapidement avec les écoles prêtes à jouer le jeu. Grâce à l’implication de certaines écoles et universités, certaines propositions du rapport pourront être applicables dès la rentrée prochaine. Par exemple, l’ENA va revoir ses modules de formation tant pour les élèves que pour les directeurs et sous-directeurs en formation continue. Le Cnam va également créer dès la rentrée prochaine une nouvelle unité d’enseignement reprenant le référentiel de compétence du rapport Dab. L’école Paristech a accepté d’être « école pilote » et elle mettra en place pour la rentrée 2008-2009 un stage «exécutant» sur la santé et la sécurité au travail. Des entreprises se sont déjà engagées: La Poste va prochainement mettre en place des formations aux conditions de travail pour les managers.

Pour que les 12 propositions du rapport soient mises en œuvres rapidement je confierai dès la rentrée de septembre, le suivi de la mise en place des propositions du rapport à William Dab lui-même: pour l’adaptation du référentiel et l’animation d’un réseau de formation par exemple. Les propositions ne resteront pas lettres mortes, j’attends qu’elles soient aujourd’hui reprises de manière concrète et pratique pour à la fois ceux qui forment (les écoles et les universités) et ceux qui recrutent (les écoles).

Nous ferons un premier bilan d’étape dans le courant du 1er trimestre 2009 pour voir ce qui a été mis en place, ce qu’il reste à faire, ce qui peut être amélioré.

Que pensez-vous de la mesure phare de William Dab qui consiste à certifier en santé et sécurité au travail (SST) les futurs ingénieurs et managers?


Avant de certifier les ingénieurs et les managers il faut d’abord les former! C’est tout l’enjeu d’un référentiel unique. Il faudra également penser à la mise en place d’outils pédagogiques pratiques et concrets: banque d’études de cas, manuel de référence destiné à des non spécialistes (à l’image d’un Code de la route), des dossiers documentaires commentés etc. L’essentiel est que ces outils soient pratiques et d’utilisation immédiate avec des exemples concrets pour coller à la réalité des entreprises.

La certification ce n’est pas un gros mot. Cela signifie simplement qu’un diplôme d’une grande école ou d’une université sera la garantie d’une formation adaptée aux conditions de travail. Elle pourra aussi aider les entreprises dans leur recrutement de personnels compétents en santé et sécurité au travail. Si sur mon CV, je peux noter que j’ai été formé dans le cadre de mon diplôme, que j’ai fait un stage dans ce domaine qui m’a familiarisé à la gestion du stress, à la prévention des risques cancérogènes, l’entreprise pour laquelle je postule recevra une assurance de mes compétences dans ce domaine.

D’ailleurs, recruter des personnels compétents dans le domaine des conditions de travail c’est un plus pour les entreprises: en termes de productivité, de baisse de l’absentéisme, de qualité de la production et de qualité de vie au travail. Quand on sait qu’aujourd’hui les bonnes conditions de travail sont le 3e critère de choix d’une entreprise pour un salarié qui recherche du travail (après la localisation et le salaire), on se dit qu’il est temps que les managers et ingénieurs misent sur le bien-être au travail.

Mais il faut aussi penser aux managers et ingénieurs déjà en poste et aussi aux membres des CHSCT. Le Pr Dab propose la mise en place d’outils pédagogiques mutualisés qui pourront être mis à la disposition des formateurs, car aujourd’hui il y a beaucoup d’outils mais ils sont souvent complexes et dispersés. Une banque d’étude de cas pratiques et d’outils audiovisuels pourrait également être créée sur Internet, dans le cadre du nouveau site sur la santé et les conditions de travail qui verra le jour à l’automne et qui sera un véritable outil pratique pour tous les acteurs de l’entreprise.

Comment imaginez-vous ce test?


Aujourd’hui, on exige des futurs cadres et ingénieurs qu’ils parlent couramment l’anglais ou qu’ils connaissent parfaitement l’informatique, en revanche on ne leur demande jamais s’ils ont des compétences dans le domaine des conditions de travail. Cette situation n’est plus acceptable. Le référentiel pourrait donc également faire l’objet d’un test sous forme de QCM avec un score minimum sur le modèle des tests de langues (Toefl, Toeic…). C’est une idée simple et pratique qui permettrait à tous les futurs managers ou ingénieurs de connaître son niveau de connaissances et de s’auto-évaluer. Pour accéder à certains diplômes ou à certains postes, il faudrait donc réussir ce test. Nous testerons de manière expérimentale ce QCM qui pourra être mis en ligne et expérimenté sur de manière volontaire sur internet.

Le ministère chargé du travail est-il prêt à soutenir le développement d’un réseau national de formation en SST? Sinon, quelle solution envisagez-vous pour regrouper les compétences très disparates qui existent en France en SST?


Je suis tout à fait prêt à rependre cette proposition. La France ne manque pas de compétences dans les différentes disciplines de la santé au travail, mais celles-ci sont fragmentées et isolées. Nous devons aujourd’hui nous appuyer sur réseau élargi. Il faudra également que ces formations en santé et sécurité au travail soient portées par des formateurs nombreux et impliqués au plus près du terrain. Les Cram et l’INRS vont prochainement revoir à la hausse leur nombre de formateurs dans ce domaine. Nous souhaitons également nous appuyer sur les compétences des services de santé au travail.

Comme vous je l’ai annoncé lors de la deuxième conférence sur les conditions de travail du 27 juin dernier, nous sommes en train de réfléchir avec les partenaires sociaux aux moyens de rénover et valoriser la médecine du travail pour que celle-ci soit davantage axée vers la prévention primaire. Nous souhaitons donc associer les services de santé au travail à la mise en place de ces formations afin de les diffuser, en particulier auprès des TPE-PME.
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