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13 / 12 / 2011 | 1 vue
Gérard Neyret / Membre
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« L'économie de services : une fiction dangereuse », un article prémonitoire écrit en 1991 par le PDG de Siemens

En mai 1991, Karlheinz Kaske, PDG de Siemens AG de l'époque, écrivait dans la revue du groupe (Siemens Review, mai 1991) un article prémonitoire sous le titre « L'économie de services : une fiction dangereuse ». Une attaque de la thèse de Jean Fourastié, à savoir que l'économie de services doit remplacer l'économie de production. Il s'élève aussi contre une théorie de l'époque, qui reprochait à l'Allemagne d'être « surindustrialisée ».

Il semble que l'année 2011 donne quelque poids à une opinion émise vingt ans plus tôt par un chef de grande entreprise, plus axé sur le bon sens et le réel que sur les grandes théories...

Morceaux choisis de l'article

  • « L'idée que les pays développés doivent inévitablement s'acheminer vers une économie post-industrielle, une économie de services, fait partie des opinions simples, communément formulées à propos du développement économique. Il s'agit d'une conception erronée et dangereuse. En effet, l'économie de services n'est rien d'autre qu'une notion statistique, totalement artificielle. Une analyse plus approfondie montre en effet qu'un grand nombre d'emplois du secteur des services sont étroitement liés à la production. Comme l'indique l'auteur, il suffit de déplacer la production pour que les services disparaissent ou partent à l'étranger... »


En clair, un service n'a de sens que là où il y a une production à servir.

Karlheinz Kaske relève que dans les années 1980 des économistes critiquaient la « surindustrialisation » de l'Allemagne et le faible développement relatif de ses services. Il constatait cependant que pour faire un bon produit apprécié des clients, il faut le faire chez soi pour bien le surveiller et bien le connaître.

  • « Dans les années 1970 et 1980, certains critiques ont condamné la R.F.A. (à propos de l’excédent de son commerce extérieur et de la croissance de son taux de chômage) en dénonçant la surindustrialisation du pays et le faible développement du secteur des services. Ils ont demandé alors que nous renoncions à une partie de notre base industrielle et que nous luttions contre le chômage en développant le secteur des services…. »


Le fait que l'Allemagne ait su conserver cette supposée « surindustrialisation » se traduit aujourd'hui par cette prospérité financière qu'elle hésite à partager.

(NB - Je me souviens d'avoir entendu, chez Alstom, le patron de la fabrication des condenseurs Delas se plaindre que la délocalisation de la fabrication de ses condenseurs avait éloigné ses bureaux d'étude des ateliers de fabrication, et qu'une des conséquences en était que les bureaux d'étude concevaient parfois des choses totalement irréalisables en atelier...).

Et en fin d’article :

  • « Le secteur des services est incapable de jouer un rôle autonome et indépendant. Sans la fabrication, il ne peut pas survivre. La production demeure le fondement de notre avenir ».

La comparaison des économies européennes en 2011 est sans appel….


L'excellence de l'économie allemande et de ses exportations tient à l'excellence de ses produits industriels, qu'il m'a été donné de constater tout au long de ma (longue) carrière d'ingénieur de maintenance. La qualité de ses produits tient à l'excellence de sa formation professionnelle, déjà signalée en 1893 par le grand soyeux Pierre Staron, au retour d'un voyage d'études en Allemagne et en Suisse (je cite de mémoire) :

« Suisses et Allemands ont parfaitement compris que la bonne formation professionnelle et artistique des jeunes générations était la base de la prospérité industrielle d'une nation... »


Le secret allemand :

ils ont conservé leur industrie, dont la base principale est la mécanique, notamment la machine-outil, « mère de l’industrie mécanique » (64 000 salariés), qui exporte la plus grande partie de sa production (en hausse de 30 % en 2011), alors que la France a laissé mourir la sienne (GSP, Graffenstaden, Cazeneuve, Ernault-Somua, Sculfort, Huré, Berthiez…).

En 2011, la part de l'industrie allemande dans le PIB de ce pays (32 %) représente plus du double de la nôtre (14 %).

Ceci étant, quand les Allemands développent un service, avec la rigueur et l’application germanique, ils ne réussissent pas trop mal. Voir SAP.

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