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L'AFP condamnée pour discrimination syndicale
Le Conseil de Prud’hommes de Paris a condamné l’Agence France-Presse pour « discrimination syndicale », dans un jugement prononcé le 2 décembre 2009 et contre lequel l’AFP vient de faire appel. Ce jugement n’est donc pas définitif mais il peut être exécuté dans sa totalité dès aujourd’hui, en dépit de cet appel, et il est sérieusement motivé.
Le journaliste Claus Tulatz est salarié de l’AFP depuis octobre 1977. Il a fait valoir que sa carrière se trouvait paralysée depuis les années 80 (participation active aux mouvements contre le Plan Pigeat qui prévoyait, entre autres, la délocalisation du Desk Allemand de Paris à Bonn) et, plus récemment, en raison de son militantisme pour le syndicat SUD (qu’il représente dans l’entreprise depuis 2003).
La section encadrement (5ème chambre) du Conseil de Prud’hommes de Paris condamne l’AFP en s’appuyant sur les articles L1132-1 et L2141-5 du Code du Travail interdisant la « discrimination syndicale » et sur l’article L1132-2 aux termes duquel « aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire (…) en raison de l’exercice normal du droit de grève. »
- Le Conseil ordonne le classement de Claus Tulatz au niveau RED6 à compter du 1er octobre 2004 (sans rappel de salaire) et au niveau RED7 à compter du jugement. De plus, il condamne l’AFP à payer 30 000 euros de dommages et intérêts « au titre de la discrimination subie » et 1 500 euros de frais de justice. Enfin, le Conseil ordonne l’exécution provisoire de ce jugement.
Ni résignation, ni renoncement
Il s’agit de la deuxième condamnation de l’AFP pour discrimination syndicale, après celle prononcée par le Conseil de Prud’hommes de Paris en janvier 2000 en faveur de Patrick Brosselin, alors membre du SNJ et en 2003 co-fondateur de SUD-AFP.
Mais alors que l’AFP n’avait pas contesté le jugement à l’époque, l’appel contre cette nouvelle condamnation intervient dans un contexte social fondamentalement changé, à l’AFP comme dans le pays. Dans de nombreuses entreprises, les salariés les plus combatifs sont actuellement victimes de la répression anti-syndicale (qu’il s’agisse des « Contis », de grévistes à EDF-GDF ou d’autres syndicalistes combatifs). But recherché : marginaliser les militants, les isoler de leurs collègues de travail, faire peur aux salariés.
N’est-ce pas la même logique qui a poussé la direction de l’AFP à faire appel contre le jugement du Conseil des Prud’hommes ? Ne s’agit-il pas de dissuader les salariés de l’AFP de choisir la voie d’un recours devant les Prud’hommes lorsqu’ils subissent des injustices, voire des violations des lois ?
SUD réaffirme : quand l’action collective et syndicale n’aboutit pas, face à une direction autiste, il ne faut pas hésiter à utiliser les droits citoyens.
Après avoir saisi avec succès la Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité) sur la discrimination des salariés non-européens, puis la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés) sur le non-respect des préconisations concernant la biométrie, SUD a récemment remis à l’Inspecteur du Travail un dossier sur l’emploi précaire à l’AFP. Nous sommes prêts à accompagner les salariés qui défendent leurs droits, que ce soit dans le dialogue social, la lutte collective ou l’action en justice.
Le jugement prud’homal condamnant l’AFP montre qu’il existe des moyens de s’opposer aux injustices et que nous ne sommes ni obligés de nous résigner ni de renoncer à nous battre. Ce jugement constitue un encouragement à lutter contre l’arbitraire et pour des accords applicables à tous.