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19 / 06 / 2024 | 753 vues
Rodolphe Helderlé / Journaliste
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Live Crédit Coopératif

Comment les enjeux environnementaux vont-ils redimensionner la comptabilité des entreprises ?

Les nouvelles normes européennes du reporting extra financier visent à permettre de mieux saisir les mouvements à l'œuvre en matière environnemental. Elles contribuent à objectiver davantage la mesure et participent à l'intégration d'une comptabilité environnementale et sociale  dans la comptabilité financière historique. Retour sur le direct du 11 avril dernier porté par le Crédit Coopératif.


Pour toucher du doigt la réalité de la "transition écologique", encore faut-il disposer d'indicateurs permettant de mesurer les trajectoires de décarbonation des entreprises, avec les conséquences sociales qui vont avec. Une mesure où nous en sommes encore à l'heure des approximations. C'est l'objectif de la directive européenne CSRD que de faire du reporting extra-financier un véritable levier d'aide à la décision à travers une grille de lecture normée. "Pour que la transformation écologique en cours soit juste, il va falloir compter différemment. Le nouveau reporting qui s'impose aux entreprises va nous permettre de rendre visible des éléments non pris en compte jusqu'à maintenant. Les banques vont avoir un niveau de connaissance plus profond des entreprises clientes sur notamment les externalités qui va différencier les conditions de financement", introduit Jérôme Saddier, le président du Crédit Coopératif.


L'enjeux de financement du pacte vert européen est bien en toile de fond de cette directive, transposée fin 2023 en France où un groupe de travail orchestré par l'autorité des normes comptables a rendu un avis sur la norme produite par la commission européenne. Entre les commissaires aux comptes, les représentants patronaux, les investisseurs et les syndicats, le groupe comptait une trentaine de membres répartis en 3 sous groupes : environnement, social et gouvernance. "Nous avons recherché le consensus pour rendre un avis commun, il ne s'agissait pas de négocier. C'est un exercice inhabituel en France mais pourtant essentiel", témoigne Ute Meyenberg, membre du groupe de travail sur le social, membre de la Commission d’information sur la durabilité de l’Autorité des normes comptables et secrétaire nationale CFDT Cadres. Et celle-ci d'ajouter : "le sujet est à la fois technique et politique".

 

Une comptabilité politique
 

"Il y a une opposition sur la question de la double matérialité avec une Europe qui veut prendre en compte à la fois les conséquences financières et non financières des activités des entreprises sur l'environnement et le social. Ce n'est pas le cas aux Etats-Unis où l'on ne compte que les conséquences financières directes", confirme Xavier Leroy, responsable des services aux investisseurs chez Ethifinance, une agence de notation extra-financière. "La réindustrialisation pose avec acuité la pertinence de la double matérialité", souligne Xavier Leroy.


Cette normalisation du reporting européen, en mode double matérialité, avec validation par un tiers apparaît plus comme une contrainte que comme une opportunité dans beaucoup d'entreprises. "La CSRD est une étape indispensable pour sortir du RSE washing. La comptabilité n'est pas figée, elle évolue. L'introduction de l'amortissement a d'abord été vue comme une contrainte par une frange des employeurs", rappelle Alexandre Rambaud, Co-directeur de la chaire "Comptabilité Ecologique" (AgroParisTech, Université Paris-Dauphine, Université de Reims Champagne-Ardenne, Institut Louis Bachelier), co-directeur de la chaire "Double Matérialité" (Institut Louis Bachelier) et co-porteur de CARE (Comptabilité Adaptée au Renouvellement de l'Environnement), une démarche de recherche appliquée en comptabilité écologique. Des entreprises expérimentent donc une comptabilité CARE. Et Alexandre Rambaud de conclure : "C'est l'occasion d'objectiver la trajectoire de décarbonation pour justifier les besoins de financement. C'est une épreuve de vérité. D'abord en interne où l'on a constaté une mise en débat au sein des comités de direction".