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Entreprises et droits de l’homme : un nouveau cadre
Vous avez publié en avril 2008 un rapport intitulé « Protect, Respect and Remedy : a Framework for Business and Human Rights ». Pouvez-vous nous dire quel était son contenu et quels objectifs vous poursuiviez en le publiant ?
Le dernier rapport contient mes recommandations sur la meilleure façon de faire progresser le débat sur les entreprises et les droits de l’Homme, conformément aux termes de la résolution instituant mon mandat. Les nombreuses consultations et recherches effectuées m’ont amenées à conclure que le problème principal est que les initiatives visant à traiter de la question des entreprises et des droits de l’Homme ne constituent que des réponses fragmentées, sans effet cumulatif qui souffre de l’absence d’un cadre de référence commun. Ceci est d’ailleurs l’élément central avancé par les différents interlocuteurs rencontrés dans différentes parties du monde. Au-delà de leurs opinions respectives, tous reconnaissent le besoin de ce cadre commun comme fondation pour développer de façon cohérente des stratégies et des activités se soutenant mutuellement.
Dans ce sens, le rapport de 2008 identifie un cadre conceptuel et politique organisé autour de trois principes fondamentaux : l’obligation des Etats de protéger des abus commis par des tiers, en incluant les entreprises, la responsabilité des entreprises de respecter les droits de l’Homme, et le besoin de remédier aux abus en disposant de recours effectifs.
Alors que nous avons célébré en décembre 2008, le 60 ème anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, pouvez-vous nous donner votre sentiment sur l’état du débat sur entreprises et Droits de l’Homme et les progrès qui ont été réalisés dans ce domaine, dans les dernières années ?
Lors de la session de juin 2008, le Conseil des droits de l’Homme a accueilli unanimement et favorablement ce cadre “protéger, respecter, remédier”. Il a aussi été approuvé par les associations internationales d’entreprises et par de nombreuses organisations de la société civile. Et de façon plus significative encore, ce cadre a déjà été utilisé et invoqué par des autorités nationales, notamment par un des points de contact national de l’OCDE. En bref, un nouveau consensus s’est formé, ce qui diffère profondément de la situation conflictuelle qui existait à la création de mon mandat ou le débat était bloqué dans une impasse créée par le projet de Normes produit par la Sous-commission, mais rejeté par la Commission des droits de l’Homme.
Le cadre proposé ne constitue pas la baguette magique recherchée par beaucoup, simplement car cette fameuse baguette n’existe pas pour répondre aux défis posés par les déficits de gouvernance globale qui sont la source des violations des droits de l’Homme commises par des entreprises. Ces déficits doivent être comblés, pour le bien des victimes des abus mais également pour maintenir un processus positif de globalisation. Pour y parvenir, l’ensemble des acteurs, Etats, entreprises et société civile, doivent apprendre à faire beaucoup de choses différemment et le cadre peut les y aider.
Le 18 juin 2008, le Conseil des Nations-Unies pour les Droits de l’Homme a renouvelé, pour 3 ans, le mandat du Représentant spécial. Quels sont les objectifs de votre nouveau mandat et quels sont, à votre avis, les principaux challenges restant à relever dans le domaine des Droits de l’Homme et des entreprises ?
Le Conseil m’a demandé d’opérationnaliser le cadre dans le but d’offrir des conseils concrets pour les Etats et les entreprises. Dans cet esprit, chaque principe “protéger, respecter, remédier” va constituer un champ d’investigation spécifique. J’ai publié récemment un plan de travail préliminaire sur mon site internet.
Pour donner quelques exemples, je vais continuer à examiner l’impact des investissements internationaux et le rôle des agences étatiques dans ce domaine. Je compte également explorer les outils disponibles dans le droit commercial comme moyen de promouvoir des cultures d’entreprises respectant les droits de l’Homme, ou encore ce que des Etats pourraient ou devraient faire pour s’assurer que les entreprises ne contribuent pas à aggraver des conflits lorsqu’elles opèrent dans ce genre d’environnement. Je compte développer un ensemble de principes directeurs pratiques pour les entreprises centrés sur la « due diligence » et les mécanismes d’« accountability » pertinents.
Finalement, concernant les recours, je vais explorer des moyens pour surmonter les obstacles existant en termes d’accès à la justice et développer un « wiki », une plateforme internet développée par les utilisateurs servant d’espace de partage d'informations et de connaissances sur les mécanismes de plaintes et de règlement de différends non-judiciaires à travers le monde.
Le Conseil des droits de l’Homme m’a encouragé à l’approche inclusive et factuelle qui a caractérisée mon mandat durant ces trois dernières années. Dans cet esprit, je vais continuer à organiser des consultations régionales afin de recueillir les vues les plus diverses possibles. J’ai également assemblé un groupe de 15 personnalités de haut niveau, dont Kofi Annan et Mary Robinson, provenant d’horizons, de régions et de secteurs différents et qui offriront des conseils, tant stratégiques que de substance, sur la conduite du mandat qui m’a été confié.