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12 / 03 / 2009 | 68 vues
Rémi Aufrere-Privel / Membre
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Destination 2012 : vers une révolution structurelle à la SNCF ...

Le 27 février 2008, le Président de la République adressait une « lettre de mission » inédite dans l’histoire de la SNCF à Guillaume Pepy sur le développement et la modernisation de notre entreprise publique. Cinq « chantiers phares » furent désignés :
  1. « Construire un « leader du fret et de la logistique dans la mondialisation... »
  2. « Faire des déplacements ferroviaires quotidiens un nouveau modèle de service public »,
  3. « Pousser l’avantage de la grande vitesse à la française en France, en Europe et dans le monde »,
  4. « Modernisation du réseau ferroviaire (avec « simplification des relations avec RFF », tarification, autorité de régulation indépendante...) »,
  5. « Prendre de l’avance sur la mobilité durable ».

La première annonce : "Destination 2012"

Dans un langage économico-capitalistique, le Président Pepy a présenté son plan quinquennal "Destination 2012" au C.A. de la SNCF de juin 2008. Selon son expression, il vise "à réduire les coûts et à préparer l’entreprise à la concurrence". Secteurs les plus concernés : fret, TER, international. Rappelons qu’en 2010 aura lieu l’ouverture au marché des lignes de transport internationales de voyageurs en Europe.

Pour Guillaume Pepy, si la SNCF dispose de leviers (hausse prévisible de la demande, l’augmentation de son offre propre, "bonne gestion" et maîtrise des coûts) elle devra aussi améliorer sa productivité. "Ça ne tourne pas assez" dans certaines unités, précise-t-il. Le "cost-killing" devrait être encore développé à la SNCF.

La maquette opérationnelle : "simplifier la SNCF"

La direction entend redéfinir en profondeur la structure organisationnelle de la SNCF à l’image d’une entreprise privée au format classique type « firme » (Direction centrale très réduite, activités, filiales).

A l’honneur dans ce schéma, quatre grandes « activités » au fonctionnement indépendant et aux moyens totalement autonomisés les unes par rapport aux autres (VFE, Proximités, Infra, Fret).

L’activité Matériel serait considérée comme un outil industriel « transverse » opérant comme un sous-traitant des quatre autres grandes activités. La SUGE-Police ferroviaire pourrait rester dans une position transverse pour cause de textes légaux (avec un positionnement organisationnel spécifique envisagé pour la région francilienne).

  • Quand à R.H., serait maintenue une structure nationale de pilotage des accords nationaux et de veille sur les accords RH dans les activités mais le fonctionnement indépendant des quatre grandes activités va considérablement réduire le poids politique et fonctionnel d’une direction et fonction RH qui pouvait jusqu’à présent assurer une égalité de traitement (certes relative) entre tous les cheminots.

Fausse concertation et/ou vraie acceptation ?

La Direction a décidé d’engager une « concertation spécifique de projet » (C.S.P.) sur les différents thèmes qu’elle a souhaités aborder.

II n’y a aujourd’hui aucune véritable « négociation » sur ses sujets. Mais elle a exprimé sa volonté de discuter et contractualiser sur les aspects « sociaux » (RH) comme la mobilité, les évolutions salariales et de carrière, la pénibilité et des sujets comme le stress. Ce sujet a été imposé par des syndicats.

A chaque réunion de C.S.P., des syndicats ont demandé à la direction son niveau de sincérité par rapport au contenu de ces réunions (négociations ? expression d’avis ? échanges informels ?) et à souligner l’utilité réduite de ces rencontres. Peu d'avis syndical d’importance a été pris en compte par la direction comme l’affirmation de la place des métiers et activités transverses permettant de concrétiser l’unicité de la SNCF comme entreprise publique de service public.

Et on invente la "simplification complexe" !

La dernière réunion de Décembre 2008 sur la « présence territoriale » a montré la contradiction entre la « simplification » proclamée et la future organisation territoriale de la SNCF.

On simplifie parce que l’on crée une seule « porte d’entrée » pour l’accès à la SNCF par les décideurs politiques et économiques et par les usagers (terme refusé par la direction). Mais dès que l’on franchit cette « porte », c’est un incroyable labyrinthe qui est dessiné. Les régions actuelles seront profondément transformées, avec des regroupements de dirigeants, des activités plus ou moins présentes selon les entités régionales, une fonction RH considérablement amoindrie et de nouvelles parois presqu’étanches construites avec le mode de fonctionnement indépendant des quatre « grandes activités ». Il faudra un véritable manuel de décryptage pour comprendre la nouvelle structure (locale, régionale, plurirégionale, nationale) ainsi que les filiales et le « groupe SNCF ».

Puis on ajouta le rassemblement à la simplification.

La précipitation, la non-volonté d’échanges , les menaces et les rumeurs ainsi que les contradictions de la direction ont provoqué depuis le début de 2008, des inquiétudes et des craintes bien plus fortes que celles causées par la régionalisation de la SNCF en 1972.

Il est devenu rare de rencontrer un cheminot (exécution, maîtrise et cadre y compris cadre supérieur) qui ne se pose pas la question de son avenir professionnel immédiat.  La multitude de déclarations et le langage martial employés pour le Fret et d’autres activités fait peur. Avec un projet mal conçu et aux principes éthiques discutables, c’est un résultat logique. Proclamer son attachement à l’entreprise publique (« nouveau modèle de service public ») et concevoir une structure en utilisant un langage et un mode opératoire strictement identique au modèle concurrentiel privé est particulièrement démotivant pour les cheminots. C’est pour répondre à cette angoisse forte que le Président Pepy a ajouté à la « simplification » le « rassemblement ». Mais aujourd’hui, cela apparaît comme une formule assez creuse.

Le Président de la SNCF a réaffirmé son ambition de faire de la SNCF un poids-lourd du fret et de la logistique en Europe. Sur cette ambition, on ne peut qu'être d'accord. Le chiffre d’affaires du pôle Transport et Logistique (c’est-à-dire Geodis, en cours d’intégration à 100%, Fret SNCF et les filiales fret logées dans Transport et Logistique Partenaires) devra passer "de 8 à 10 milliards d’euros d’ici 2012".

Malgré l’échec de la "vraie-fausse concertation" de la réforme de Fret SNCF, Guillaume Pepy a confirmé sa volonté "de mener à bien le volet social de la réorganisation du fret", ce qui signifie toujours la remise en cause de la réglementation du travail applicable dans l’entreprise publique.

Ce plan qui s’inscrit sur une durée de 5 ans, représente un danger résultant de l’addition à la fois de crises et d’opportunités.

Côté positif, les opportunités favorables au transport ferroviaire en France et en Europe sont réelles comme , en tant que représentant syndical, j'ai tenté de le développer par une participation active lors du "Grenelle de l’Environnement" et l’analyse du développement dans les transports (nécessité du développement durable et d’un nouvel aménagement du territoire, expansion des transports collectifs de voyageurs, hausse durable des carburants fossiles etc...).

Je crois à ces opportunités très positives pour le secteur public ferroviaire républicain incarné par la SNCF. Mais les méthodes utilisées par la Direction Générale de la SNCF pour parvenir à ces objectifs ambitieux de croissance risquent de favoriser des crises de plus en plus violentes socialement voire humainement.

La réglementation du travail applicable à la SNCF pouvait répondre au développement voulu par tous les cheminots fiers de leur outil de travail.

Il faut sans doute améliorer les processus de production par des modifications d’organisation du travail concertées avec les personnels qui participent quotidiennement au bon fonctionnement de l’entreprise.

Tout en respectant les rôles de chacun en rappellant que l’organisation structurelle générale de la SNCF relève de la responsabilité du Président Pepy et des principaux dirigeants.

 

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