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Comment agir pour une meilleure qualité du travail dans le secteur de la psychiatrie ?
Dans le cadre de sa collection les guides Agir pour l’amélioration des conditions de travail, destinée à mieux appréhender les questions de santé et bien-être au travail, Secafi (société du groupe Alpha) élargit sa collection et ouvre une série sectorielle avec, comme premier opus, Agir en faveur de la qualité du travail dans le secteur de la psychiatrie. Revue de détail avec Sophie Rousseau, l’un des deux auteurs (avec Wilson Cordier) et consultante chez Secafi, spécialiste du secteur de la psychiatrie depuis quinze ans.
Dans le premier numéro de sa collection sectorielle des guides Agir, Secafi s’attache à un secteur encore peu connu, la psychiatrie. Pourtant, avec le débat autour des 35 heures à l’hôpital, il prend une résonance particulière. Que constatez-vous dans le cadre de vos missions ?
Oui, d’autant plus que l’offre de soins psychiatriques est portée majoritairement par l’hôpital public. Or, aujourd’hui, au sein du monde hospitalier, le secteur de la psychiatrie est atypique. Il mérite un examen particulier du fait des pathologies traitées et des patients accueillis. C’est tout l’objet de notre guide car, à sa lecture, on voit bien que l’on ne peut y appliquer, telles quelles, les méthodes envisagées, au premier rang desquelles la tarification à l’activité et la recherche à tout-va d’économies budgétaires. Surtout si l’on considère qu’en sus de cette pression économique s’ajoutent des évolutions de gouvernance et d’organisation du temps de travail ou encore de locaux parfois vétustes et peu compatibles avec les particularités de ce secteur. Notre expérience sur le terrain montre que ces spécificités sont encore trop peu prises en compte et que l’on ne prend pas le temps d’écouter ceux qui travaillent dans le secteur de la psychiatrie.
Quelles sont ces spécificités ?
Il y en a deux principales. D’abord, une spécificité forte concernant la relation au patient, reconnue comme émotionnellement exigeant. Je pense que tous les observateurs du secteur de la psychiatrie savent combien le personnel y travaillant porte un engagement particulier, une empathie du fait des pathologies traitées. Il a en charge un public fragilisé, isolé et parfois violent. Ce n'est pas le public des autres spécialités hospitalières, c’est certain. Ensuite, deuxième spécificité, sans doute plus forte qu’ailleurs, la primauté au travail pluridisciplinaire. En psychiatrie, toutes les dimensions humaines du patient doivent être prises en compte, le personnel travaille en équipes et chaque patient est inscrit dans un projet de soins faisant intervenir médecin, infirmière, aide-soignant, psychologue, assistante sociale... Ce que nous observons sur le terrain, car nous intervenons dans de nombreux établissements spécialisés en psychiatrie, c’est que les contraintes budgétaires mettent à mal les deux spécificités que nous venons de décrire et qui sont au cœur de la démarche soignante. Il y a une complète dichotomie entre les exigences intrinsèques du secteur, du fait de la spécificité des patients, des pathologies, des traitements et les exigences budgétaires actuelles. Cela se répercute sur les conditions de travail des agents, qui se dégradent fortement.
Comment se traduit cette dégradation des conditions de travail ?
Le travail psychiatrique nécessite de passer du temps auprès des patients et auprès des autres membres de votre équipe. Dès que vous êtes dans une logique de pression budgétaire et de réduction d’effectifs, vous portez atteinte à l’un des principes de base du travail psychiatrique. Vous n’êtes plus à même d’exercer dans de bonnes conditions ce qui constitue la substantielle moelle de votre métier : engagement et empathie. Vous entrez dans une spirale : tout agent malade n’est pas remplacé pour raisons budgétaires, sa charge de travail est affectée aux autres, déjà en forte charge. Parallèlement, comme partout ailleurs, les tâches administratives sont désormais effectuées par le personnel soignant, alors que c’est au détriment du temps passé avec les patients.
Par conséquent, vous aboutissez, chez le personnel du secteur psychiatrique, à une perception du travail et des conditions de travail très dégradée, avec des dommages indéniables. Les agents peuvent alors exprimer le ressenti d’une certaine superficialité dans la réalisation d’un travail qui ne permet plus, pour des raisons organisationnelles et d’effectifs, d’aller jusqu’au bout d’une mission, d’une tâche, d’un projet de soins à mener avec les patients.
L’agent n’a plus le sentiment de bien faire son travail. Cette notion de « qualité empêchée » se vit d’autant plus mal qu’elle crée, chez celui-ci, le sentiment d’aller à l’encontre de ses valeurs et de ses convictions. Car les agents qui viennent travailler en psychiatrie n’y viennent pas par hasard. Il faut leur donner des moyens, un environnement spécifique. On parle alors d’écart entre la confrontation « choisie » (le fait d’avoir choisi de travailler dans le secteur psychiatrique, synonyme de souffrance et de maladie mentale) et la contrainte « subie » (l’ensemble des dysfonctionnements que l’agent doit gérer malgré lui). Ces tensions sur la charge de travail s’ajoutent aux autres facteurs de pénibilité mieux connus, tels que les contraintes posturales, le travail en horaires atypiques ou le travail répétitif…
Quels conseils pouvez-vous apporter aux représentants du personnel pour accompagner au mieux les agents ou les salariés ?
Selon nos études et expertises, les représentants du personnel doivent interroger les acteurs de la santé et de la prévention des risques professionnels dans les établissements, qu’il s’agisse de la direction de leur établissement, des représentants de la médecine du travail ou de la qualité, sur toute question ayant trait au mal-être, à la souffrance, à l’usure professionnelle du personnel et sur les dispositifs mis en place pour les réduire. Car le ressenti de pénibilité des conditions de travail tend à être plus marqué au fur et à mesure que l’agent avance en ancienneté dans l’établissement et est d’autant plus important qu’il est en contact quotidien avec les patients et les usagers de l’hôpital.
Dans tous les cas, les enjeux d’évaluation de la charge de travail « réelle » et de mise en place de dispositifs de régulation de la charge de travail des agents dans les services apparaissent particulièrement importants dans une perspective de prévention du risque psychosocial et de préservation de la santé physique ainsi que mentale des agents.
L’expertise peut être un moyen d’objectiver les situations de travail pour aller au-delà du seul ressenti, le premier exprimé par les agents. Aidés par un expert, les représentants du personnel mettent des faits sur des ressentis. Ensuite, l’expert les accompagne pour être forces de propositions et dans la mise en place, en troisième étape, de plans d’action de prévention des risques professionnels.
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