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CGT : un rapport interne pousse Thierry Lepaon à la démission
Plus de deux mois après les premières révélations sur les travaux de l'appartement de fonction de son secrétaire général, suivies de celles sur son bureau, sa prime et maintenant le montant de son salaire, la crise qui frappe la CGT atteint un paroxysme explosif. C'est en tout cas la teneur du rapport rédigé par les sept membres de la commission financière de contrôle (CFC), mandatés pour enquêter sur toutes ces affaires, qui n'est finalement pas restée sans conséquence.
On comprend alors que ce qui pouvait paraître pour certains comme des péchés véniels (mauvaise appréciation de la situation, légèreté dans le contrôle des dépenses voire une certaine naïveté dans la lecture d'un devis) ne l'est pas. C'est plutôt de péchés mortels qu'il va falloir qualifier les pratiques du premier dirigeant de la première centrale syndicale du pays.
« J’ai découvert la facture des travaux de mon logement de fonction dans la presse. Si j’avais eu connaissance des montants (105 000 €), j’aurais dit non », a déclaré Thierry Lepaon le 18 décembre dernier au quotidien Le Parisien. Une interview confession qui ressemblait à une tentative désespérée pour sauver encore ce qui pouvait l'être. Cette première ligne de défense a été réduite en miettes par la CFC. Le quotidien francilien qui a eu accès à son rapport précise contrairement aux affirmations du numéro un de la CGT, que ce n'est pas « dans la presse » que le secrétaire général a découvert le montant de la facture et même loin de là. Les éléments du dossier indiquent au contraire qu'il a reçu des informations au fil de l'avancement du chantier, exigeant lui même « des matériaux de qualités ». Bling !
De plus, la facture ne s’élève pas à 105 000 euros comme lâché finalement par Thierry Lepaon mais bien à 140 000 euros. C'est en tout cas ce qu’avance la commission financière après une « relecture » de la facturation du mobilier. Gros problème cependant pour le mobilier en question car, lors de la visite effectuée par les membres de la dite commission, une partie des meubles et autres équipements facturés n'était pas visible. ils ont en revanche été payés rubis sur l'ongle par la centrale de Montreuil.
Pour son bureau, bis répétitas. Pour justifier le coût dispendieux de la rénovation de son bureau, Thierry Lepaon a affirmé le 19 décembre dernier dans les colonnes du Parisien : « cela a coûté 65 000 € parce qu'il fallait refaire le chauffage et la climatisation ». Problème : le chauffage est collectif et l'essentiel de la facturation est en réalité du au mobilier sur mesure, réalisé à la demande de Thierry Lepaon lui-même, qui maintient pourtant mordicus n'avoir été au courant de rien. Croix de bois, croix de fer...
Reste le plus gros des péchés (passons sur celui concernant les conditions de versement de sa prime de départ pour passer de la CGT à la CGT, 100 835 euros TTC), car le plus grave, si cela est possible, concerne celui sur le montant de son salaire. Depuis des semaines, Thierry Lepaon l'affirme sur tous les fronts et la main sur le cœur : il n'est pas un homme d'argent : « J'ai demandé à faire baisser mon salaire dès mon arrivée », a t-il affirmé publiquement mais surtout les yeux dans les yeux aux instances officielles du syndicat. Une baisse de 1 200 euros mensuels selon l'ex-futur secrétaire général. Mais là aussi, la commission de contrôle a vérifié, pièces comptables à l'appui. Or, selon Le Parisien, Thierry Lepaon n'a jamais demandé à baisser son salaire. « Les bulletins de paye parlent d'eux-mêmes », affirme le quotidien : la modification n'a été effectuée que sur le salaire du mois dernier, soit en plein milieu de la crise.
Une tentative désespérée de s'en sortir qui ressemble de plus en plus à une fuite en avant psychologique. Certains n'hésiteront pas à faire le parallèle avec Jérôme Cahuzac. Il faut dire qu'il y a quelques points communs entre les deux scandales : d'abord la dénégation, ensuite les révélations successives qui amènent ces deux affaires à durer plusieurs mois, tel un poison lent et finalement mortel. Reste à savoir si l'histoire de Thierry Lepaon va connaître le même épilogue que l'affaire Cahuzac.
Et bien oui. Même s'il semblait bien décidé, dans un premier temps, à entraîner tout le monde dans sa chute, Thierry Lepaon vient finalement de jeter l'éponge en proposant « un nouveau bureau confédéral et un nouveau secrétaire général ».