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Autoroutes & Tunnel du Mont-Blanc condamnée pour discrimination syndicale
Il s'agit d'une première en France pour une société d'autoroute dont l'actionnaire majoritaire est l'État et qui ne s'était jamais retrouvée devant cette juridiction pour une affaire similaire.
Celle-ci remonte à plusieurs années, notamment l'automne 2011 avec divers rebondissements et pressions en tout genre. Malheureusement, l'épilogue s'est conclu par un licenciement pour inaptitude à tout poste en janvier 2017.
Aux termes de son arrêt, la Cour reconnaît les éléments suivants...
- La Cour reconnaît que l'appelant apporte des éléments laissant présumer l'existence d'une discrimination syndicale dans l'évolution professionnelle.
- La Cour constate que l'employeur a gravement manqué à ses obligations à l'occasion de la transition professionnelle après la cessation des fonctions représentatives et syndicales qui étaient exercées à titre permanent.
- L'appelant n'a pas bénéficié d'une évolution professionnelle normale.
- L'appelant n'a pas été évalué régulièrement au cours de ses mandats électoraux et représentatifs.
- L'employeur n'a pas mis en place un accord d'entreprise régissant le déroulement de carrière des salariés exerçant des responsabilités syndicales avant le 15 janvier 2015.
- L'appelant n'a pas valorisé ses compétences acquises au cours de ses mandats.
- L'appelant a été manipulé et trompé.
- L'employeur a exercé un véritable chantage concernant son avenir professionnel.
- L'employeur l'a mis à l'écart.
- L'employeur n'a strictement rien fait que ce soit pour prévenir la souffrance au travail de l'appelant ou une fois le risque psychosocial déclaré, pour améliorer la situation.
- Sur la matérialité des faits, l'appelant établit que de 1987 à 2013, il n'a connu aucune évolution de carrière.
- Tout au long de sa carrière, l'appelant n'a eu aucun entretien d'évaluation.
- Ce n'est que le 15 janvier 2015 (durant son arrêt maladie) qu'a été signé un accord sur le droit syndical et le dialogue social.
- Lorsque l'appelant a fait part de son souhait de reprendre son emploi à plein temps, l'employeur n'a pas tenu compte des compétences acquises par l'appelant dans le cadre de ses mandats, notamment en matière de relations sociales et de ressources humaines.
- L'appelant établit également qu'il y a eu exécution déloyale de la société ATMB dans la recherche d'un reclassement professionnel de l'appelant à l'issue de des mandats,
- Ces faits établis, pris dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'une discrimination syndicale.
- L'évolution de carrière de début 2013 n'a été proposée que lorsque l'appelant a annoncé qu'il n'entendait pas se représenter aux élections professionnelles et qu'il fallait envisager son avenir professionnel, après plus de 27 ans d'ancienneté.
- infirme le jugement déféré du Conseil des Prudhommes de Bonneville, le 10 juillet 2017 ;
- prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de l'appelant aux torts de la société ATMB ;
- dit qu'elle s'assimile à un licenciement nul à effet du 9 janvier 2017 ;
- condamnne la société ATMB à payer une indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents, un rappel de salaire et ses congés payés afférents ;
- condamne la société ATMB à payer une somme au titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, toutes causes de préjudices confondus ;
- condamne la société ATMB aux dépens ;
- condamne la société ATMB à payer une somme au titre de l'art. 700 du CPC.
Le salarié en question avait 32 ans et 9 mois d'ancienneté et, surtout, avait pris ses premières fonctions syndicales et représentatives en février 1991. Cela de façon progressive par les délégués du personnel puis délégué syndical. S'en est suivi le secrétariat du CHSCT puis du CE. Il a poursuivi sa carrière syndicale en gardant ses fonctions de délégué du personnel puis est devenu délégué syndical permanent en 2007 et négociateur au sein de la branche professionnelle des autoroutes et ouvrages routiers.
Zéro soutien syndical
Au-delà de ce périple « tumultueux », on peut s'interroger sur le rôle des organisations syndicales en interne mais aussi auprès des fédérations. C'est assez simple : étant donné que ce salarié était le seul délégué syndical permanent au sein de l'entreprise, sa position et son rôle ont suscité de vieilles rancœurs et des jalousies incontrôlées. L'organisation syndicale qu'il représentait obtenait plus de 32 % des voix aux élections, de façon récurrente dans tous les collèges électoraux... Quant aux fédérations, à ce stade et en rapport aux pressions et enjeux exercés par l'entreprise, elles ont fermé les yeux et laissé tomber seul leur représentant... Aucune aide, aucun soutien.
Aujourd'hui, après plus de 4 ans et demis en arrêt maladie continu, une reconnaissance en invalidité de catégorie 2 par la CPAM, cet ancien délégué syndical va désormais s'orienter vers d'autres horizons.
Le sens de sa démarche dans ce dossier judiciaire était surtout d'obtenir la reconnaissance de son passé, de son vécu et surtout que la vérité soit reconnue et sue au-delà du seul domaine autoroutier. C'était son second dossier judiciaire contre cette entreprise, le premier ayant eu lieu entre 2003 et 2006, avec une partie liée à des sanctions disciplinaires injustifiées et condamnées par les Prudhommes.
C'est aussi le parcours d'un délégué syndical représentatif qui refuse « la vente » de ses valeurs et de son éthique et qui a poursuivi son travail durant plus de 25 ans pour les salariés dans un domaine de prédilection : la négociation collective.
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bravo