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Autopsie des dispositifs spéciaux de mobilité destinés aux fonctionnaires de France Télécom et de La Poste
Le dernier Conseil supérieur de la Fonction Publique de l'Etat a été mis à profit pour présenter aux fédérations syndicales de fonctionnaires les rapports d'activités 2008 des commissions de classement des fonctionnaires de France Télécom et de la Poste.
L’intention affichée des textes relatifs aux dispositfs spéciaux de mobilité visaient à faciliter les départs vers les trois fonctions publiques.
Les textes de référence :
- Loi du 31 décembre 2003 et décret du 26 juillet 2004 pour les fonctionnaires de France Télécom.
- Loi du 2 février 2007, dite de modernisation de la Fonction publique, et décret du 17 janvier 2008 pour les fonctionnaires de La Poste.
En clair, les dispositifs jumeaux - l’un entré en vigueur en 2004, l’autre en 2007 - dérogatoires aux règles communes et financièrement incitatifs sont des moyen de « dégager » les fonctionnaires. Pour les deux opérateurs, les fonctionnaires sont perçus comme un boulet. Pourtant, ils représentent 80% de l’effectif à France Télécom (75 000) et un peu plus de la moitié à La Poste (163 000).
- Rappelons tout de même que ces entreprises ont été affranchies, au plan comptable, des lourdes charges liées aux pensions de retraites. Certes en contrepartie du versement de « soultes », « dividendes » et autres « contributions exceptionnelles ». Malgré cela, les dirigeants des deux entreprises estiment sans doute que les fonctionnaires sont un corps mort qui les ancre dans le passé…
Le terme utilisé de « mobilité » est pudique. Alors que la notion de mobilité implique l’idée de retour, l’esprit du système c’est bien « l’aller simple »… En effet, sous les perspectives d’ouverture et de volontariat se terre la volonté de pousser dehors les fonctionnaires qui sont censés alourdir les charges de l’entreprise (dans le cas de La Poste) ou contrecarrer la politique de marges exigées par les actionnaires (dans le cas de France Télécom).
Bilan
3343 fonctionnaires de France Télécom ont bénéficié du dispositif en 4 ans
122 postiers…en 2008.
On peut s’interroger sur l’efficacité des 21 délégués chargés de promouvoir les mesures auprès des administrations territoriales…
La fin des dispositifs
Ces bilans sont en réalité des dépôts de bilans. On nous invite à une autopsie et non à une radioscopie…
En effet, le dispositif prévu par France Télécom, dont l’échéance est fixée au 31 décembre 2009 – en réalité, 2008 – n’est pas prorogé. Pourquoi ? L’aspiration au départ est toujours forte de la part des fonctionnaires en activité à France Télécom, société anonyme où l’Etat est minoritaire et dont les missions de service public sont réduites à la portion congrue (entretien de cabines en voie de disparition, maintenance du réseau).
- Il semble que ce soit l’Etat qui ait pris cette décision, France Télécom souhaitant, pour sa part, accélérer les suppressions d’emplois et ne lésinant pas sur les accompagnements financiers idoines.
S’agissant de La Poste, la situation frise le ridicule, à tout le moins l’absence de sérieux.
La loi du 2 février 2007, dite de modernisation de la Fonction publique, a effectué un « copié-collé » de l’article 5 de la loi du 31 décembre 2003 créant un dispositif spécifique de mobilité pour les fonctionnaires de la société anonyme France Télécom. Un démarquage total, à tel point que la date butoir du 31 décembre 2009 s’applique aussi aux postiers. Du coup le couperet tombe alors que les mesures de départ n’ont été effectives que pour la seule année 2008 !
La Poste s’est évertuée à réclamer le modeste amendement sémantique portant sur un seul chiffre à changer : il suffit de substituer 2012 à 2009 ! Pourquoi 2012 d’ailleurs ? Aucun collectif, cavalier, « véhicule » n’a trouvé de place pour embarquer les malheureux postiers. C’est étonnant, voire méprisant à leur égard.
Aujourd’hui, les procédures de reclassement sont gelées et chaque jour qui passe diffère d’une année l’intégration des postiers dans l’Administration.
Nos questions sont simples : pourquoi le Gouvernement refuse-t-il de proroger le dispositif relatif à France Télécom ? Pourquoi tant de désinvolture à l’égard des fonctionnaires de La Poste ?
Il n’est tout de même pas si difficile de faire passer un amendement d’une ligne dans le tohu-bohu des convois législatifs actuels !
Au-delà de ces dysfonctionnements et de ces non-dits, Force Ouvrière attire l’attention sur le fait qu’on ne peut considérer les 163 000 fonctionnaires de La Poste et des 75 000 de France Télécom comme les otages d’une réserve abritant une fonction publique à part, fermée. Le moment venu, tous ces fonctionnaires seront inscrits sur le Grand livre de la dette publique qui liquidera leurs pensions de retraite. Ce sont des fonctionnaires comme les autres.
C’est aussi faire montre d’une certaine malignité, d’une rupture de contrat moral, que d’empêcher le transfert d’agents publics qui n’ont pas choisi de servir dans des sociétés et entreprises vouées à la recherche du seul profit, des entreprises pour lesquelles l’expression service public est devenue une clause de style. Il est permis aussi de considérer qu’il s’agit de la rencontre pragmatique entre le dessein des opérateurs de supprimer des emplois (17 000 en trois ans à France Télécom, 10 000 par an à La Poste) et la lassitude de fonctionnaires qui ne se reconnaissent pas dans les valeurs mercantiles prônées par leurs entreprises et supportent de moins en moins la pression managériale afférente.
- Ceci posé, et tant que la loi sur la mobilité, en souffrance au Parlement, ne sera pas entérinée et amendée, France Télécom et La Poste ne peuvent se permettre de placer les fonctionnaires « en trop » en disponibilité, retraite d’office, voire de les licencier.
Il est paradoxal de constater que les DRH concernés disposent, à l’égard des fonctionnaires, de moins de latitudes que leurs homologues de l’Administration...
Il faut savoir que France Télécom, dans son projet de GPEC, prévoit des mesures de substitution. A ceci près que le fonctionnaire intéressé doit frapper seul à la porte des administrations. Il perd en outre les avantages afférents à la retraite et, en cas de retour, devra rembourser les aides au départ…
Le problème se pose avec une particulière acuité dans cette société anonyme où la soupape des départs en congé de fin de carrière s’est refermée.
Pourquoi cette opportunité se referme aujourd’hui ?
Les « cédants » ont pu considérer que ces mesures, transitoires, permettraient de « fluidifier » les effectifs dans l’attente des départs massifs en retraite qui vont intervenir, comme par hasard à partir de 2010… Les « prenants », eux, n’ont semble-t-il rien demandé.
- Il est douteux qu’eu égard à la situation budgétaire de la Fonction publique un apport d’agents « exogènes » relativement âgés soit considéré comme une aubaine, sauf dans le but de boucher quelques « trous » démographiques.
On ne doit pas, non plus, minorer les risques de rejets émanant des fonctionnaires du cru à l’égard de nouveaux venus affranchis des règles traditionnelles de mutation et de carrière et qui bénéficient, au moins pour un temps, d’avantages financiers. Sans oublier un niveau de retraite qui peut s’avérer supérieur…
Evidemment, le discours officiel ne mentionne guère les problèmes d’adaptation et considère que les administrations doivent se réjouir de se voir « offrir la possibilité de s’attacher les services d’agents de qualité, aux compétences techniques affirmées dans de nombreux domaines et déjà rompus aux méthodes modernes de gestion ».
Mais alors, pourquoi se priver de telles compétences, de telles opportunités ?
Les points clés des dispositifs
L’intégration du fonctionnaire peut avoir lieu, sur sa demande, jusqu’au 31 décembre 2009. Compte tenu de la période probatoire incluant les 4 mois de stage et les 8 mois de détachement « spécifique », le guichet est effectivement fermé depuis le 31 décembre 2008…
Ces fonctionnaires (La Poste et France Télécom) peuvent être intégrés sans que puissent leur être opposées les règles relatives au recrutement prévus par les statuts particuliers régissant ces corps » (décret du 26 juillet 2004).
Les accompagnemts
- Une indemnité compensatrice forfaitaire si l’indice d’intégration est inférieur à celui détenu au moment de quitter les opérateurs.
- Une indemnité d’accompagnement de 2 ans de différentiel de rémunération plafonnée à 60% du salaire global de base
- Une prime d’intégration équivalente à quatre mois de salaire brut.
NB : ces deux derniers points ne concernent, à notre connaissance, que les agents de France Télécom…
La retraite
- « le fonctionnaire peut, au moment de son intégration, demander à cotiser pour la retraite sur la base du traitement soumis à retenue pour pension qu’il détenait dans son corps d’origine ».
- Les administrations ou organismes d’accueil bénéficient également de mesures financières et d’accompagnement à la charge de La Poste et de France Télécom.