Organisations
Allia : scandale d'un plan social équivalent à celui d’une société en faillite
Lundi 16 janvier 2017, la direction d'Allia, représentée par Marc-Antoine Muller (DG) et Daniel Corouge (DRH), a pris la décision de suspendre la procédure d’information/consultation des représentants du personnel sur un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) concernant 256 salariés en France.
Ils leur appartient de régulariser la situation des représentants du personnel du site de logistique de Selles sur-Cher avant de poursuivre la conduite de ce projet de restructuration et de compression des effectifs de la société Allia. En effet, leurs mandats étant arrivés à expiration au mois de novembre, les dirigeants Allia avaient pris le parti de proroger ces mandats sans consulter les organisations syndicales représentatives de la société, ce qui est contraire au droit du travail.
La Direction régionale des entreprise, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l‘emploi (DIRECCTE) avait alors émis une injonction, en date du 23 décembre 2016, imposant la régularisation de cette situation qui ne pouvait pas perdurer parallèlement à la procédure en cours. Malgré les avertissements des membres du comité central d’entreprise, les deux dirigeants avaient feint de vouloir clore la procédure s’appuyant sur leur cabinet d’avocat conseil. Ils ont même été jusqu’à envoyer un courrier en Chronopost à tous les salariés de la société Allia concernés le week-end précédant le lundi 16 janvier 2017 pour appuyer ce bluff outrancier pour les représentants du personnel.
« Avec leur avocat, ils se sont permis de nous faire une réponse indiquant que nous nous trompions sur toute la ligne, alors qu’une injonction de la DIRECCTE leur avait été adressée. » « Avec leur avocat, dont je tairais le nom pour ne pas lui faire de publicité, ils se sont permis de nous faire une réponse indiquant que nous nous trompions sur toute la ligne, alors qu’une injonction de la DIRECCTE leur avait été adressée. Non seulement ils doivent se plier à toute injonction du ministère du Travail mais, de plus, ils doivent se remettre en conformité vis-à-vis de la législation française. Donc ils ont tenté des coups de poker menteurs pour nous faire croire que leur document unilatéral était homologable » - le secrétaire du comité central d’entreprise.
Remontés à bloc, plus de 150 salariés des deux sites de production concernés ont fait le déplacement pour manifester devant le siège social d’Allia à Samoreau (77) le 16 janvier 2017 afin d’exiger le retrait du projet de fermeture de leurs deux usines, celle de Digoin (Bourgogne) et de La-Villeneuve-au-Chêne (Champagne). Les griefs à l’encontre des dirigeants étaient nombreux et les noms d’oiseaux ont fusé, les salariés allant même jusqu’à réclamer la démission de la direction d'Allia France.
« Ils n’ont pas négocié ce plan de sauvegarde de l’emploi avec les organisations syndicales représentatives et menaçaient de clore une procédure d’information/consultation entachée d’irrégularités, comme ils ont refusé d’accorder quelques par mois supplémentaires pour offrir plus de chance de trouver un repreneur (loi Florange), ils ont aussi refusé d’étudier la possibilité d’autres projets alternatifs moins destructeurs d‘emplois et décidé de fermer les deux usines françaises coûte que coûte », indique un représentant syndical.
Les deux dirigeants ont refusé de sortir du siège social pour s’exprimer devant les salariés en colère.
Beaucoup de questions restent aujourd’hui en suspens pour les salariés.
- Quelle était leur stratégie avec cette volonté de passer en force ?
- Comment justifient-ils les irrégularités telles que l‘invalidité des mandats sur le site de Selles-sur-Cher mais aussi le refus de consulter le CE et CHSCT du siège social de Samoreau, le refus de consulter le comité d’entreprise européen (Forum Geberit), d’avoir demandé un avis aux CE et CHSCT des usines concernées sur la base d’un document unilatérale qui n’était pas le définitif et surtout ne pas s’appuyer sur le bon secteur économique pour justifier cette décision purement arbitraire et inacceptable aggravée par le fait de ne pas avoir fournis les justificatifs adéquats à l’expert.
La procédure devait être close le lundi 16 janvier 2017 et le mardi 17 janvier au matin le groupe Geberit annonçait dans les médias une progression de 11 % du chiffre d’affaire sur leur secteur d‘activité de la céramique sanitaire. Quel scandale ! La direction du groupe suisse Geberit venait de tirer une balle dans le pied de sa direction française.
« Il n’y a pas de motifs économiques et vu la progression du groupe Geberit dans ses performances économiques et financières, ils ne sont pas près d’en avoir. » « Il n’y a pas de motifs économiques et vu la progression du groupe Geberit dans ses performances économiques et financières, ils ne sont pas près d’en avoir. Au risque de me répéter, je maintiens depuis le mois de juillet que les raisons réelles de cette procédures sont inavouables dans le cadre d’un licenciement économique. Le groupe Geberit ne connait pas de difficultés bien au contraire », indique Pierre-Gaël Laveder, membre du comité central d’entreprise.
Pour tout dire et sans prendre de gants, l‘intersyndicale demande également dans un tract à la direction comment elle justifie ses mensonges aujourd'hui ?
Les réalités chez Eurocer, usine Geberit au Portugal dans laquelle il est prévu de délocaliser une grande partie de la production française. Après investigation des représentants du personnel et de leur avocat au Portugal, il s’avère que tout ce qui était annoncé par la direction était mensonger. Pire, les conditions de travail décrites par ses salariés ne respectent pas les lois du travail portugaises pourtant beaucoup plus souples que les françaises. C’est à ce titre qu’un jugement au tribunal avait imposé l’an dernier à la direction portugaise représentée par Éric Jauffret (ancien directeur de l’usine de Digoin) de se mettre en conformité avec la loi en vigueur localement.
Les délocalisations dans des pays à bas coût et le dumping social qui en découle.
« Accuser à tort les usines françaises d’être responsables de la perte de compétitivité du groupe et vouloir faire croire aux salariés des usines françaises qu’ils peuvent être des licenciés économiques dans un groupe aux résultats florissants et en augmentation. Tous les indicateurs de performance sont en progression. On croit rêver ! », s’exclame Mohamed Boussil délégué syndical central.
« Ce projet est une fumisterie et doit donc être retiré. Les sites industriels de Digoin et LVAC ont une histoire forte. Des milliers d’ouvriers et d’employés y sont passés, parfois même leurs parents et leurs grands-parents. De quel droit Marc Antoine Muller, simple employé d’une multinationale, peut-il détruire ces deux sites industriels qui font partie du patrimoine français de la céramique et qui sont aujourd’hui les fleurons de leur secteur d’activité en France ? », critique ouvertement Pierre-Gaël Laveder, membre du CCE.
Geberit a posé sur la table un plan social équivalent à celui d’une société en faillite. C’est une très mauvaise méthode pour aborder une négociation d’après les organisations syndicales mais malheureusement courante dans le microcosme des dirigeants d’entreprise. Devant le blocage des négociations, afin d’avoir une chance de faire homologuer leur plan social par le ministère du Travail, les dirigeants Allia l’ont fait monter sans qu’une seule négociation n’ait eu lieu avec les partenaires sociaux. Ils sont donc passé d’un document unilatéral (uniquement élaboré par la direction) irrecevable, à un document unilatéral tout juste recevable.
Suite aux réélections professionnelles de Selles-sur-Cher, toute ou une partie de la procédure devra recommencer : le feuilleton Allia est bien loin d’être terminé.