Organisations
Ça sent le sapin pour les CHSCT
Il faut dire que la compréhension des enjeux de l’alinéa 7 de l’article 12 du texte de l’accord implique, au-delà de la simple lecture, un certain décryptage pour surmonter une rédaction un peu empoulée.
Qu’on en juge : « Pour toute décision de l’entreprise conduisant à saisir le CHS-CT, il est mis en place, si plusieurs établissements sont concernés par le même projet, une instance de coordination ad hoc issue de comités locaux qui, dans les cas prévus par la loi de recours à l’expertise par les CHS-CT, fait appel à une expertise unique.
Celle-ci est réalisée dans le délai préfixé d’intervention de l’expert-comptable et porte sur l’ensemble des éléments relevant de la compétence des CHS-CT. Le résultat de cette expertise est communiqué à l’ensemble des CHS-CT concernés ».
Rappel : l’une des principales prérogatives du CHS-CT, au niveau le plus proche du terrain, c’est-à-dire de l’établissement, est de permettre l’expression d’un avis collectif des salariés, notamment lors des consultations obligatoires. Selon l’article L4614-12 du Code du travail, le CHS-CT peut faire appel à un expert agréé « en cas de risque grave ou de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ».
Travailler moins longtemps pour expertiser moins
Ce droit au recours à un expert indépendant (c’est-à-dire indépendant de la direction) irrite au plus haut point le patronat, qui cherche depuis des années à le remettre en question. Ce sera chose faite si le Parlement ne corrige pas les dispositions de l’accord reprises dans le projet de loi présenté ce mercredi par le Ministre du Travail, Michel Sapin.
Dans le chapitre VI de son article 4, celui-ci prévoit en effet qu’une instance de coordination des CHS-CT est créée au cas où plusieurs CHS-CT seraient concernés par un projet.
La consultation de cette nouvelle instance, mise en place par l’employeur, remplace celle de tous les CHSCT d’établissement. Idem pour le recours à un expert indépendant.
Les CHSCT d’établissement en seraient dépossédés au profit de la bien mal nommée « instance de coordination » puisqu’il n’y aurait plus rien à coordonner au niveau des établissements concernés car une partie essentielle de leurs compétences serait transférée à la nouvelle instance centralisatrice.
Mais un pas supplémentaire dans le dé-saisissement des CHSCT est franchi avec le projet d’une expertise non seulement décidée au niveau supérieur mais aussi « réalisée dans un délai préfixé d’intervention de l’expert-comptable ».
- Décodage : aujourd’hui, une expertise ordonnée par un CHSCT au niveau de l’établissement dure 45 jours et ce délai se révèle souvent difficile à tenir, ne serait-ce qu’à cause du peu d’enthousiasme déployé par l’employeur.
Or, le fameux « délai préfixé d’intervention de l’expert-comptable » ne correspond qu’à 23 jours. En clair, la durée de réalisation d’une expertise ordonnée par la nouvelle instance sera réduite de 50 %, alors que son périmètre portera sur plusieurs établissements au lieu d’un seul. Travailler moins longtemps pour expertiser moins, en quelque sorte. Dès lors, il y a fort à craindre que les expertises réalisées dans de telles conditions soient parcellaires, incomplètes et, au final, ne contribuent pas à éclairer l’avis donné par les membres du CHSCT.
Au passage, la future instance ignorera le représentant syndical qui existe aujourd’hui dans les CHSCT d’établissements de plus de 300 salariés.
Ironie du sort, cet affaiblissement programmé intervient alors qu’on fêtera cette année les 30 ans de la création des CHSCT et que toute une frange du patronat n’en a jamais admis l’existence ni le rôle.
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